Oran, le 11 janvier 1835

 

Mon Cher Ami,


Ne vous ayant pas écrit par le dernier courrier faute de temps, je fis le projet de vous écrire dans l'intervalle avec celui-ci, mais mes inspections générales et une foule d'autres affaires, m'ont forcé de remettre d'un jour à l'autre et même jusqu'au dernier moment que me laisse le paquebot.


Je ne puis donc … que vous accuser réception de vos lettres que j'ai lues avec tout l'intérêt qu'inspire l'amitié que je vous ai vouée et avec l'enchantement que me donnent les efforts que vous faîtes pour faire prévaloir votre manière d'envisager la politique de ce pays, sur les erreurs dans lesquelles on vit à Paris au sujet de l'avenir de nos possessions en Afrique. Le gouverneur résiste toujours à l'évidence des faits que je lui expose dans la correspondance volumineuse que j'ai avec lui et répond à tout par des arguments puisés dans les dispositions malveillantes pour moi de la part de ceux qui l'entourent. Il vient d'envoyer ici son aide de camp ... avec mission de voir tout ce qui s'y passe. Il a commencé d'une manière malheureuse ses missions, car étant allé par mer à ... pour reconnaître l'embouchure de la ... il a été atteint dans cette courte traversée du choléra et ne put pas mettre pied à terre. Monsieur ... et Monsieur Cavaignac qui l'avaient accompagné …  cette reconnaissance qui n'a donné aucun résultat satisfaisant les bâtiments de petites dimensions ne sont à l'abri que de certains vents. A peine Monsieur ... revenu ici convalescent qu'il est arrivé un second capitaine....  … attaché à la division d'Alger, qui vient dit-il prendre des renseignements statistiques. Vous comprendrez facilement le but de ces missions qui seraient désobligeantes pour moi, si j'avais moins d'intérêt à faire connaître ce qui se passe.


Ma femme est partie il y a huit jours à bord de la Comète pour se rendre à Toulon et de là à Paris ; les vents d'ouest ayant régné depuis son départ, j'espère que sa traversée sera heureuse.


Une recrudescence de choléra s'est manifestée ici depuis les premiers jours du mois, nous avons eu jusqu'à ce jour une vingtaine de  cas dont une dizaine ont été mortels. Cet incident fâcheux nous prive de la communication avec Alger, et si par malheur, de quarante en quarante jours il se présente encore quelques cholériques il n'y a pas de raison pour faire cesser cet état des choses.


Je tiens trop à être agréable au général de Flahaut pour ne pas mettre en campagne tous les chefs de tribus pour m’amener les chevaux qui pourraient lui convenir, je mettrai tous mes soins à ce choix et je n'oublierai pas non plus qu'il vous serait agréable que je puisse vous en adresser également un pour le Prince ... Vous vous rappelez le petit cheval gris du colonel ... Pensez-vous qu'il put convenir à un des deux …... mandez-le moi.


Je suis forcé de vous quitter pour envoyer mes dépêches à Mers-El-Kebir je vous embrasse de tout mon cœur et je vous prie de faire agréer l'expression de mon dévouement au général de Flahaut.


.. Desmichels