[En tête : Ambassade de France à Rome]
Rome, le 23 octobre 1849

Mon Cher Collègue,
Je suis tout honteux de ne pas avoir encore répondu à vos bien aimables lettres. Pendant près de deux mois, j'ai passé tout mon temps à me guérir d'une très dangereuse maladie qui m'a réduit à la plus extrême faiblesse ; puis le torrent des affaires est revenu. Une de mes premières démarches, à mon retour ici, a été de plaider la cause de Monsieur ... que vous m'aviez fait l'honneur de me recommander. Il ne sera point inquiété. Nous en avons l'assurance par le Saint Père lui-même.
J'ai à vous remercier des renseignements que vous avez eu la bonté de me faire parvenir, par la recommandation de Monsieur Grimblot [ ?] avec qui j'ai eu grand plaisir à m'entretenir de votre excellente situation dans les postes que vous occupez. Je voudrais bien pouvoir passer deux ou trois jours à Florence et causer avec vous de nos grandes affaires ; mais je suis ici sur la brèche avec une consigne très rigoureuse. Dernièrement, je me suis opposé à l'extradition de plusieurs napolitains compromis dans les affaires de leur pays, en me fondant sur la confiance qu'ils nous avaient témoignée et la suppression de toute clause d'extradition politique dans nos relations internationales. Ce n'était pas sans difficulté, puisque nous avons reconnu la pleine souveraineté temporelle du Saint Père; mais il est évident que les réfugiés napolitains ne seraient pas venus ni restés sur le territoire romain s'ils n'avaient pas compté sur l'application de notre droit public. J'ai donc demandé au gouvernement pontifical qu'il voulut bien considérer notre drapeau comme une sorte de chapelle du Moyen Age avec indulgence et droit d'asile et substituer notre responsabilité à la sienne vis à vis le roi de Naples envers qui des traités l'obligent à l'extradition. Tout en exposant ainsi la question, elle était résolue en fait. Les Napolitains ne seront pas livrés. Cependant comme cette affaire peut avoir des suites diplomatiques je désirerais savoir s'il est vrai que le gouvernement pontifical soit également lié par un traité d'extradition avec la Toscane et le Piémont.
Si vous pouvez oublier mes détestables procédés en tenant compte de mes véritables sentiments, mon cher collègue, et m'écrire un mot à ce sujet, vous m'obligerez.
Nous désirerions bien savoir aussi quelle est l'administration militaire de l'Autriche sur les territoires et son occupation ? Prélève-t-elle des impôts pour l'entretien de ses troupes ? A-t-elle payé toutes les fournitures qui lui ont été faites ? A-t-elle une police mixte comme celle que nous avons établie à Rome ? Quelle est la limite de la juridiction de ses conseils de guerre ? A-t-elle jugé et puni des délinquants pour des faits antérieurs à son occupation ?
Toutes ces questions peuvent donner lieu à des comparaisons utiles. Ainsi dans ce moment nous réclamons des frais d'installation du génie au gouvernement pontifical qui n'est guère disposé à les admettre, et nos conseils de guerre rencontrent également des difficultés dans leurs procédures contre certains crimes commis avant notre entrée à Rome. Nous avons obtenu par des négociations
1° la suppression de toute la partie élastique de ces … membres du gouvernement dans l’édit du 19 septembre
2° une diminution notable dans la catégorie des chefs de corps
3° des exemptions individuelles pour les ... récidivistes et les ... qui n'ont pas voté la déchéance
4° la substitution de l'éloignement du pays avec notre passeport à toute arrestation politique.
J'aurais désiré obtenir plus ; mais enfin de compte toutes les rigueurs de cet acte vont se réduire à l’expatriation provisoire ...
Agréez mon  cher collègue l'expression de ma haute considération et de mes tout dévoués sentiments.
 Francisque de Corcelle
J'ai de bonnes nouvelles de votre ami Monsieur de Rémusat.