Naples, le 26 mars 1850

Mon Cher Collègue,
Dès la réception de votre lettre je me suis empressé de recourir à l'intervention du comte de Ludolf qui habite ordinairement Caserte pour m'acquitter près du comte de Trapani de la commission que vous me donniez. Des allées et venues, des chassés croisés sans nombre ont retardé la réponse. Je me suis décidé ce matin à envoyer un courrier à Caserte pour la réclamer. Je vous envoie ci-joint le billet que je reçois à l'instant de Monsieur de Ludolf. Il vous prouvera que j'ai fait de mon mieux et que votre aimable attention a été appréciée. S.A.R. part le 1er avril et restera à Florence jusqu'au 15. Le ministre de Naples en Toscane a dû être chargé de vous donner des renseignements plus précis. Vous vous déciderez sans doute à remettre votre bal jusqu'après le mariage.
Décidément le Saint Père rentre dans ses Etats. Ce n'est pas sans peine qu'il a pris cette résolution qui lui coûte. Il a le sentiment d'avoir beaucoup fait pour les Romains et ne peut oublier leur noire ingratitude. Il prévoit aussi mille embarras, mille difficultés. On cherche autour de lui à le convaincre qu'il va à l'encontre de mille dangers. S'il y en avait, il serait très résolu à les braver. La conduite de l'armée française, les assurances du général en chef et du gouvernement ont inspiré confiance. Je craignais beaucoup que les élections ne fissent crouler l'édifice si péniblement élevé. Heureusement on ne s'est pas exagéré la portée de celles de Paris. Celle des départements ont été jugées plutôt favorables. J'avais dit et redit que nous n'avions en aucun cas rien à perdre, mais tout à gagner. Un changement de ministère eût été également une complication fort à redouter. Aujourd'hui que l'on persiste après des incidents dont on aurait pu chercher à profiter, il est défendu de douter du prochain départ. Le voyage sera lent et d'une allure solennelle. Vers la mi-avril aura lieu la rentrée du Pape au Vatican. J'espère quelque bien politiquement et religieusement parlant de cet événement.
Monsieur l'Amiral de Parseval est ici avec cinq vaisseaux et autant de frégates à vapeur. Après un premier moment d'inquiétude on se déclare bien satisfait de cette apparition. On y voit quelque garantie contre des éventualités auxquelles je n'ai pas cru mais qui pouvaient être prises en ligne de compte.
Adieu, mon cher collègue, veuillez croire en l'expression de mes sentiments les plus dévoués.
 A.de Rayneval
Lettre de Ludolf

Caserte, 26 mars 1850
Mon Cher Monsieur de Rayneval,
Je n'ai pu répondre à votre premier billet avec l'assurance avec laquelle je le fais aujourd'hui par rapport au comte de Trapani car je me suis constamment croisé avec ... qui était à Naples quand j'étais à Caserte et vice versa. Le comte de Trapani partira pour Florence lundi prochain et le mariage aura lieu le 8 avril. Il s'arrêtera à Florence probablement jusqu'à la moitié d'avril et j'ai ... hier … par notre ministre de Toscane ... avoir fait connaître à Monsieur de Walewski qu'il ne refuserait certainement pas le plaisir d'assister à son bal ... séjour à Florence. J'allais dans la journée vous le faire savoir lorsque votre second billet m'est parvenu. La beauté de mon écriture vous prouvera la hâte avec laquelle je vous écris sans compter une plume qui met ma patience à bout. Veuillez donc excuser mon griffonnage et agréer, mon Cher Monsieur de Rayneval, l'assurance ... de toute ma bien sincère amitié.
Ludolf