Naples, le 4 avril 1850

Mon Cher Collègue,
Voilà votre mariage singulièrement reculé.
L'article du nazionale et l'absence de tout désaveu de la part du ministère ont causé ici une irritation extrême. Le roi s'est formellement opposé au départ de son fils. Il se tient pour offensé. Il me semble que les explications sont bien tardives. Pourquoi cela ? Le ministère aurait-il réellement voulu s'excuser devant l'opinion d'avoir prêté les mains à une alliance avec la cour de Naples ? Dans ce cas il doit être enchanté que le mariage n'ait pas lieu et que les relations redeviennent officiellement froides. Est-ce d'une bonne politique ? J'en doute, mais je n'en veux point juger parce que je n'ai pas instruit le procès. Qu'a-t-on à gagner à proclamer la division de tous les princes italiens ? Voici le Piémont de son côté qui indispose grandement le Pape. On est fort blessé à Portici de ce que le cabinet sarde au lieu de négocier préalablement se soit borné à ratifier purement et simplement un parti pris. Vous avez vu la note du cardinal Antonelli. Le cabinet sarde a été au plus sûr. Il a pris le plus court chemin. Il paiera cela de quelques difficultés en cour de Rome. Je n'y vois rien de grave.
A l'heure qu'il est le Pape est parti de Portici. Le grand problème est résolu. Le Saint Père va à Rome en victime [ ?] de ses devoirs. Il s'attend à mille difficultés et il a raison. Mais ne vaut-il pas mieux affronter les difficultés au risque de ne pas les vaincre que se déclarer vaincu par avance ? Si la Papauté veut sauver son pouvoir temporel il faut qu'elle prouve qu'elle est en état d'en accomplir tous les devoirs. Là est la question et non pas où on a voulu la mettre, dans la dignité du Saint Père compromise [?] par exemple par un froid accueil ou par un prisonnier qui se sauve ou par une porte qu'on enfonce.
Au fait maintenant ... nuire à notre flotte dont la tenue et les dispositions sont admirables. On ne croit pas avoir rien à redouter des Anglais. La réprobation qu'a soulevé l'acte d'Athènes a sauvé Naples. Et Livourne aussi, je suppose.
Adieu, mon cher collègue, veuillez croire à l'expression de mes sentiments les plus dévoués.
A.de Rayneval