Naples, le 24 avril 1850

Mon Cher Collègue,
J'ai reçu par Monsieur de ... auquel j'ai fait l'accueil que méritait votre recommandation, la lettre que vous avez bien voulu m'écrire le 16. Je vous remercie et de cette dernière et de celle qui portait la date du 8. Soyez bien assuré que tant qu'il pourra dépendre de moi je jetterai de l'eau sur le feu. J'ai quelque raison de croire que celui qui a dernièrement éclaté n'était qu'un feu de paille. Il durera d'autant moins, je l'espère, que les premières flammes ont été plus vives. Les nouveaux mariés sont arrivés ici fort heureusement. Madame la Duchesse de Berry les accompagnait. Il y a eu première visite à Caserte en grande cérémonie, puis visite rendue à Naples sur le même pied. La Duchesse de Berry loge au palais di de la Posetteria qui a été mis à sa disposition.
Vous me parlez de mes affaires personnelles ; on me dit toujours que j'irai à Rome, mais cet « on » est toujours le bruit public. Hier cependant j'ai reçu de Monsieur de Viel Castel un mot qui me donne la chose comme probable. Tenant beaucoup plus que d'ordinaire à rester complètement étranger à cette nomination je n’ai personne qui soit dans le cas de me dire ce qui peut en être. Il m'est donc impossible de vous rien mander de positif. J'attends, dans une complète ignorance, le sort qui peut m'être réservé et que vous connaîtrez avant moi. Le général Baraguay d'Hilliers me mande qu'il quittera Rome du 2 au 4 mai. Le problème ne peut donc manquer d'être promptement résolu.
Nous n'entendons pas parler de la flotte anglaise dont un moment on s'est tant préoccupé. Je doute très fort que pour les réclamations en pleine discussion elle aille aux extrémités à Naples comme à Athènes. Lord Palmerston atteste que telle n'est pas son intention. Mais la présence des vaisseaux anglais sur les côtes d'Italie ferait aux passions révolutionnaires effet d'un excitant qui viendrait fort mal à propos. L'attitude de Lord Minto n'est oubliée ni par ceux qui ont eu à en réprimer les effets, ni par ceux qui y ont trouvé un encouragement dont ils ont grandement profité. L'agitation des esprits non pas à Naples seulement, mais à Rome et probablement de vos côtés aussi m'assurerait [ ?] un nouvel aliment à une nouvelle visite. En attendant notre escadre est toujours à l'ancre dans sa belle rade de Naples. Sa présence est d'un bon effet sous plus d'un rapport.
Adieu, mon cher collègue, je vous renouvelle l'expression de mon bien sincère et bien affectueux dévouement.
A. de Rayneval