[Dans la marge : il demande accusé de réception]
Paris, le 3 sept 1856

Monsieur,
Dans une lettre que j'ai eu l'honneur d'adresser dernièrement à l'Empereur j'annonçais à Sa Majesté l'envoi d'un Memorandum que je préparais avec l'idée de soumettre ce travail à son examen et à sa considération. Ce Memorandum qui sera adressé dans ma capacité officielle à Lord Clarendon et au ministre des Affaires Etrangères de Sa Majesté catholique, fait relation à la situation actuelle de la République de Nicaragua et aux moyens de mettre cette république et les autres de l'Amérique centrale à l'abri et à couvert des dangers qui les menacent de la part des Etats-Unis de l'Amérique du Nord.
Afin de ne pas importuner Sa Majesté permettez-moi, Monsieur, que je vous adresse ce document avec la prière de le remettre, de ma part, à l'Empereur qui, j'ose l'espérer, voudra bien l'accueillir avec sa bonté et sa bienveillance habituelles.
Il y a, Monsieur, mille autres détails d'une date récente qui intéressent l'Empereur et que je consignerai ici, en vous priant, de même, de les faire parvenir à la connaissance de Sa Majesté.
L'extrait, ci-joint, d'un article du Herald de New-York du 20 dernier mettra l'Empereur au courant du départ précipité de la Nouvelle-Orléans, pour Nicaragua, du trop fameux Pierre Soulé. Ce départ a été résolu à la suite des conférences qui ont eu lieu dernièrement aux Etats-Unis entre les amis de l'émancipation des peuples et principalement avec le nommé Goicuria avocat de l'Havane et chef de la Junte insurrectionnelle de Cuba siégeant à New-York.
Goicuria après avoir fourni à Walker plus de 500 000 francs en argent, armes et munitions de guerre se rendit à Nicaragua où il fut nommé général par ce même Walker.
Dernièrement il a été nommé ministre à Londres et à Paris à l'effet de représenter, dans ces cours, les intérêts de ses commettants les Américains qui ont envahi le Nicaragua ; mais avant de se rendre en Europe, Goicuria reçut la mission d'aller auparavant s'entendre avec les amis et sympathiseurs dans l'Amérique du Nord, Soulé et autres. Goicuria rencontra, sur le bateau à vapeur qui le conduisit à la Nouvelle Orléans, un de mes amis qui, à son arrivée à Paris, sachant que je m'y trouvais, vint de suite m'informer des révélations importantes et imprudentes qu'il avait reçues de Goicuria.. Cet homme dit qu'en venant en Europe il ne croyait pas trouver à Londres de grandes difficultés pour accomplir sa mission ; mais qu'il en pensait autrement à l'égard de la France "Si l'on ne veut point me recevoir à Paris, disait Goicuria, on s'en repentira un jour, car nous sommes en relations continuelles et soutenues avec les sociétés secrètes de Paris, de toute la France, et d'autres pays et le coup mortel serait frappé à temps ; c'en sera fait du système actuel."
Je communiquai de suite ces détails au Ministre d'Espagne à Londres, au chargé d'Espagne à Paris, à Lord Clarendon, à Messieurs Baroche et Benedetti.
Voilà, Monsieur, en extrait, ce dont je désirerais que l'Empereur fut instruit.
Je vous serais reconnaissant, Monsieur, si vous voulez vous donner la peine de me faire accuser réception de cette lettre, et en même temps, je saisis cette opportunité pour vous offrir l'assurance des sentiments les plus distingués avec lesquels j'ai l'honneur d'être un dévoué serviteur.
J. de Marcoleta
7, rue de l’Arcade