Londres, ce lundi 8 décembre [D’une autre main : 1856]
Mon cher ami,
J’ai trouvé à mon retour ici votre bonne lettre, et elle m’a fait un grand plaisir en m’apportant la preuve que l’absence n’a pas eu plus d’effet sur votre amitié pour moi, qu’elle n’en eu sur la mienne pour vous. Mais elle m’a affligé en me prouvant en même temps que vous êtes plus sensible que vous ne devriez l’être aux attaques injustes auxquelles vous êtes en butte. Vous devriez l’être d’autant moins, que vous dites en connaître la source et alors ce que vous pourriez faire de mieux, serait de les mépriser. Et quant aux journaux, vous êtes sorti trop longtemps dans ce pays-ci pour ne pas savoir ce que valent leur éloge ou leur blâme.
Je serais comme vous le pensez, au désespoir, si la bonne intelligence qui existe entre la France et l’Angleterre venait à éprouver la moindre altération et certes nous avons causé à ce sujet avec trop de confiance mutuelle pour que j’éprouve le moindre doute sur vos sentiments [ ?] à cet égard. Mais malheureusement, si sur une question quelconque, on est d’une opinion qui diffère en quoi que ce soit de celle du Gouvernement anglais, on passe à ses yeux pour lui être hostile. Et comme aussi malheureusement notre ambassadeur va au devant de ses moindres désirs et partage ou dépasse même toutes ses opinions, le ministre qui peut ne pas être du même avis se trouve dans la plus fâcheuse position. Je crains bien même qu’un jour ou l’autre, l’Empereur n’ait sujet de regretter cette disposition de son ambassadeur et qu’au lieu de consolider, elle n’ait pour effet de mettre en danger notre alliance. Le devoir d’un ambassadeur est de s’entremettre pour écarter les questions et propositions qui peuvent embarrasser son gouvernement et empêcher qu’elles n’arrivent jusqu’à lui et c’est une marche entièrement opposée à cela qu’on ... ici.
Je suis bien fâché d’apprendre par vous que les amis de Morny sont au nombre de ceux qui l’attaquent. Il m’était bien ... qu’une lettre particulière qui aurait dû rester secrète avait été communiquée mais je n’avais jamais ouï dire que ses amis étaient devenus ses détracteurs.
Je suppose qu’il va revenir bientôt car l’époque de la session approche et je crois que son intention est de revenir au Corps Législatif. Je ne sais pas si je pourrais moi-même me rendre à Paris pour ce moment car j’ai reçu une secousse assez forte : non seulement par la maladie, mais encore par le traitement. Si je suis empêché, croyez bien que vous et Madame Walewska serez du petit nombre de ceux que je regretterai sérieusement [ ?] de ne pas voir.
Gardez pour vous le contenu de cette lettre et croyez bien à mon ancienne et inaltérable amitié.
[Signature]
Si vous en trouvez l’occasion, veuillez offrir à l’Empereur l’expression de mon respectueux dévouement.
Jeudi
Il y a quatre jours que cette lettre attend le départ, remis de jour en jour, de celui qui doit vous la porter. Je veux y ajouter quelques mots de ma main, Georgine étant chez les Clarendon. Mon cher ami, je le répète, ne jetez pas le manche après la cognée ; cherchez au contraire à plaire à l’Empereur, servez-le selon ses idées. Si mes souvenirs ne me trompent pas, c’est la condition qu’il a attachée à votre entrée au ministère et je crois que c’est à la même que tous vos collègues tiennent leur portefeuille.
Je conçois qu’il veuille maintenir l’alliance et si le texte du traité a pu donner lieu à ... relativement .. Bolgrad dont il est question dans l’article 20, l’esprit du traité qui voulait affranchir la navigation du Danube de toute ingérence Russe ne pouvait pas vouloir leur laisser un établissement sur le lac ...
On me dit que de bons rapports se sont rétablis entre vous et Cowley et cela me fait un bien grand plaisir car j’ai aussi beaucoup d’amitié pour lui.
Madame de .. a vu hier Lady Sandwich et l’a trouvée beaucoup mieux.
Adieu, croyez bien et comptez bien sur mon inaltérable amitié.