Anvers, le 6 janvier 1860

Mon Cher Comte,
Lorsque je vous écrivais au premier jour de l'an, je ne me doutais certes pas qu'avant la fin de la semaine vous deviez renoncer aux grandeurs et rentrer dans la vie privée. Le grand exemple d'attachement à vos convictions politiques que vous venez de donner a réjoui mon cœur ami, et je ne veux pas tarder à vous féliciter d'avoir ajouté une belle page à votre vie déjà si bien remplie. Je n'hésiterais pas, soyez-en sûr, à vous accompagner dans votre noble retraite si je ne craignais d'être accusé de vouloir donner à ma position et à ma personne plus d'importance qu'elle n'en comporte. Infime serviteur de l'Etat, comme je le suis, s'il ne m'appartient pas de donner un gage public de dévouement à cette politique anti-révolutionnaire dont vous avez si glorieusement porté le drapeau, je puis du moins, et j'en suis heureux et fier, vous assurer que la nouvelle de votre démission a répandu autour de moi une véritable consternation. Mes lettres me disent qu'il en a été de même en France... Ne regrettez donc pas, mon cher Walewski, un pouvoir des grandeurs que vous ne pouviez conserver sans porter atteinte à la dignité  de  votre caractère ; vous emportez dans votre retraite l'estime et les vœux de tous les bons Français, consternés de voir le Gouvernement de l'Empereur suivre les errements d'une déplorable politique, qui doit conduire à l'abîme le pays et la dynastie impériale.
Veuillez présenter mes hommages à Madame Walewska.
A vous et dévoué.
[...] Valbezen