Particulière

Monsieur le Comte,
J'ai reçu hier la dépêche télégraphique par laquelle vous me faites l'honneur de m'annoncer que l'Empereur a bien voulu accepter votre démission. Je comprends sans les connaître les motifs qui ont pu engager Votre Excellence à quitter le ministère ; je ne me permets pas de les apprécier, mais je regrette profondément pour l'Empereur, comme tout serviteur dévoué de Sa Majesté doit le faire, la détermination que vous avez cru devoir prendre. J'ignore ce que l'avenir sans [?] congrès nous réserve, mais je redoute les plus graves complications et j'ajouterai que cette impression est aujourd'hui celle des hommes les moins disposés jusqu'ici à s'alarmer.
Je me félicite pour ma part, Monsieur le Comte, de quitter l'Italie dans un moment où, je le dis avec un sentiment de profonde tristesse, la politique du gouvernement de l'Empereur me semble s'engager dans une voie aussi peu conforme à nos engagements qu'aux véritables intérêts de la France.
J'espère, Monsieur le Comte, pouvoir bientôt vous exprimer de vive voix mes sincères remerciements pour la bienveillance dont votre Excellence a daigné constamment m'honorer et dont elle m'a donné tout récemment une preuve nouvelle et doublement précieuse, en ce moment, en me proposant à l'Empereur pour le poste de Berlin.
Je la prie d'agréer, en attendant, l'expression de ma vive gratitude en même temps que celle de mes sentiments respectueusement dévoués.
 Prince de la Tour d’Auvergne
Turin, le 6 janvier 1860
P.S. : J'oserais vous prier de vouloir bien mettre mon respectueux hommage aux pieds de Madame la Comtesse Walewska

 

Note : Prince de la Tour d’Auvergne : Envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire en Sardaigne