Nice, le 8 Janvier 1860

Monsieur le Comte,
J'ai toujours pensé qu'en arrivant à Nice mon premier devoir était de vous écrire ; je le crois plus que jamais après le Moniteur du 5. Je ne sais en vérité si ceux  auxquels vous avez rendu service, et je me mets au premier rang, ont le droit de regretter la décision que vous avez prise. Quant à moi je me le refuse, car elle vous honore trop pour que je doive m'en étonner ou que je puisse m'en affliger.
En montrant à tous ceux qui ont eu l'honneur de servir sous vos ordres comment l'indépendance du caractère pouvait s'allier au dévouement en vous, vous nous avez donné un dernier et salutaire exemple qu'il nous appartient surtout d'apprécier, afin de savoir au besoin l'imiter un jour.
Recevez, Monsieur le Comte, tous mes remerciements pour votre bienveillance passée et croyez que j'en garderai toujours un reconnaissant souvenir.
Je regrette d'avoir à vous dire que j'ai trouvé Madame la Grande Duchesse Stéphanie d'une altération et d'une faiblesse fort inquiétantes. Elle a l'aspect d'une personne qui s'en va ; les médecins ne voient pas le danger immédiat, mais on ne peut se dissimuler que la mort ne la guette de bien près.
Veuillez présenter mes hommages à Madame Walewska et croire, Monsieur le Comte, à tous mes sentiments très dévoués.
 Talleyrand

Note : Le Moniteur du 5 annonçait officiellement au public la démission du chef du quai d'Orsay et son remplacement par Thouvenel.