[En tête : Consulat général de France à Beyrouth]
Beyrouth, le 16 janvier 1860

Mon Cher Alexandre,
Le télégraphe nous annonce par Smyrne que vous avez donné votre démission.. Comme vous le pensez bien cette nouvelle m'a fait bien de la peine non pour moi personnellement mais au point de vue de la politique générale. Je prévoyais depuis quelque temps ce qui arrive aujourd'hui, la corde était tendue, la politique changée et le traité de Villafranca ne pouvait plus avoir sa complète exécution. Il me semble que cela doit être l'explication du changement.
Enfin j'en suis presque heureux pour vous-même car vous devez vous reposer un peu après une campagne aussi laborieuse et belle et fatigante.
Le congrès me semble un peu compromis mais à la distance où je suis il est assez difficile de se prononcer sur quoi que ce soit. Je puis donc me tromper sur cela aussi bien que sur les causes de votre démission.
Tout est pour le mieux et si vous avez pensé devoir vous retirer je suis parfaitement content et rassuré. Quant à moi je n'y pense même pas, quoique la chose me touche d'assez près. « Fais ce que doit advienne que pourra ».
Monsieur Thouvenel est très bien disposé pour moi, ceci pour le détail des affaires, quant à ma position vous serez toujours beaucoup plus puissant que tous les autres et si ma conduite sera ce qu'elle doit être vous aurez toujours sur moi un oeil bienveillant.
Je voudrais bien me marier. Je suis en pourparlers à Florence. Je vous prie mon cher de me dire si je puis, dans trois mois, demander un congé. Je vous prie de ne pas parler de cela si ce n'est avec Marie car je désirerais que cette intention ne fût connue à Florence que quand la chose serait complètement décidée.
Les affaires marchent très bien ici pour le moment et quand j'aurai débrouillé celle du [...] tout sera dit. Mon ami Lesseps avait fait un joli gâchis ici, à présent que vous n'êtes plus ministre je puis le dire franchement, et c'est fort heureux que je me borne à ne dire que cela.
Adieu mon cher Alexandre je vous souhaite tous les bonheurs immaginables et tout à vous de cœur je vous embrasse ainsi que les enfants.
St. Bentivoglio