Mon cher Comte,
Vous n'avez pas répondu à la lettre que je vous avais écrite quand vous avez quitté le Ministère. Votre silence m'a fait je l'avoue un peu de peine ; vous avez dû, je le sais, recevoir de partout des regrets sincères ; mais j'espérais que vous mettriez les miens un peu à part, et je l'espère encore. Vous voyez que je vous demande tout simplement quelques mots. Pourquoi ne le ferais-je pas ? Cela me ferait beaucoup de plaisir et vous coûterait si peu. Comme je connais l'influence des petites choses, j'ai pensé à un moyen de vous mettre la plume à la main. Je vous envoie quelques langues de rennes, et vous demande de m'en accuser réception. Il n'y a pas de jours mon cher Comte où je ne regrette nos rapports d'entière confiance, notre parfaite uniformité de vue ; je crois encore que la politique que vous avez emportée avec vous était la bonne. Si les langues que je vous envoie n'étaient pas muettes je les chargerais de vous dire tout cela et bien d'autres choses. Nos santés sont bonnes ; ma femme a bien passé l'hiver, mes enfants aussi. J'espère que vous aurez d'aussi bonnes nouvelles à me donner de Madame Walewska. Rappelez-moi je vous en prie, très affectueusement si elle le permet, à son bon souvenir.
A revoir mon cher comte et tout à vous.
Duc de Montebello
Saint-Pétersbourg, le 26 mars 1860