Florence, le 9 janvier 1861

Excellence,

En présence de l'affligeant spectacle de ce qui se passe en Italie, je n'ai pu me taire plus longuement, et j'ai jeté un cri de douleur.

Encore s'il y avait l'ombre de la possibilité de soulever nos masses et de les entrainer à une véritable guerre d'indépendance, je pardonnerais tout le reste, je pardonnerais ce gaspillage effrayant de tout principe d'ordre et de moralité, qui est la conséquence nécessaire du vice fondamental qui a accompagné cette oeuvre, qui devait être de régénération, et qui n'est désormais plus que celle d'une folle ambition. Mais cette possibilité a été tuée dès le premier début, et maintenant il n'y a pour nous d'autre espoir qu'une bienveillante intervention de la France. C'est là notre seule planche de salut ; et moi qui suis resté fidèle à cette religion, j'en paie le prix, en but comme je le suis aux hypocrites, qui la déteste tout bas sans avoir même le courage de l'avouer tout haut.

Les masses pourtant, et tous ceux (et c'est toujours le plus grand nombre) qui sont loin d'être rassurés par le sort qui nous attend, sont là pour l'accueillir à bras ouverts, et pour la bénir de tout ce qu'elle fera pour nous sauver.

Je viens donc de publier une brochure, qui n'a pas peu frappé l'opinion, et dont je me prends la liberté d'offrir quelques exemplaires à votre Excellence, la supliant de vouloir bien en mettre un aux pieds de Sa Majesté l'Empereur, auquel aujourd'hui comme il y a deux ans, comme il y a un an, je tourne le regard comme à notre seule planche de salut. Quelle que soit aujourd'hui la manière de voir de Sa Majesté dans nos affaires, on voudra au moins, je l'espère, me rendre cette justice, qu'au milieu de tant de défaillances intéressées j'ai conservé toute mon indépendance et le courage de mon opinion.

Ce courage est encore relevé, Monsieur le Comte, par votre réapparition sur la scène politique, que j'ai cru, et je crois plus fermement que jamais, un nouveau gage, a nous donné, par sa Majesté.

De votre Excellence le très humble et dévoué serviteur.