Vichy, le 5 août1862

 

Mon Cher Collègue,

A Vichy comme ailleurs les années se suivent et ne se ressemblent pas quelle différence ici entre 1861 et 1862 ?

La température cette année est insupportable ; la chaleur écrasante il n'y a presque personne de connaissance ; Madame la Comtesse Litta est déjà partie. De notre société de l'année dernière il ne reste que Madame et Monsieur André. L'Empereur a d'abord été éprouvé par les eaux ; puis sa santé est devenue meilleure mais il vit très retiré. Un bal donné par les chasseurs de la garde et un dîner à l'Arvoisière pour les officiers de ce bataillon ; voilà toutes les distractions qu'il s'était permises avant notre arrivée.

Depuis une représentation de Déjazet et une petite soirée de musique par Tambourini à l'hôtel Germot avec quelques contredanses ensuite ... le court programme de ces plaisirs.

On attend ce soir la princesse Murat et sa fille la princesse Anna et on parle pour demain d'un diner à l'Arvoisière. Le prince Lucien Murat et le prince Joachim sont ici depuis quelque temps. Ajouté à ce récit peu chargé de divertissements que la chaleur m'a rendu malade vous comprendrez que je ne prolonge pas mon séjour ici et que comme l'Empereur je revienne à Paris samedi.

J'aurai sans doute le lendemain ou le sur lendemain le plaisir de vous voir et je vous parlerai de mes propositions de croix pour le conseil d'état dont j'ai provisoirement causé avec l'Empereur. Puisque je parle croix laissez-moi vous rappeller celle que je vous ai demandée pour Monsieur Dupuy architecte de mon hôtel. Je ne saurais vous dire quel prix j'y attache.

Veuillez dire à Madame la comtesse combien nous la regrettons tous ici et quel vide son absence laisse à l'hôtel Germot.

Voyez encore une de ces tristes différences dont je vous parlais tout à l'heure : c'est moi qui habite sa chambre de l'année dernière cette pauvre chambre en est bien triste.

Recevez, Mon Cher Collègue, l'assurance de mes sentiments bien dévoués.