Rome, le 7 octobre 1862

Le Général de Montebello, Commandant la division d'occupation à Rome

A Mon Cher Ami,

Je veux vous dire que toutes nos inquiétudes ont cessé. Jean entre tout à fait en convalescence. Il est bien faible encore mais il commence à se lever quelques heures dans la journée, à faire quelques pas et à manger avec appétit. Il ne lui faut plus que des soins et une grande surveillance pour empêcher une rechute fâcheuse partout mais surtout à Rome. Je vous remercie de votre exactitude à me répondre, et comme je pense que ma correspondance officielle ne vous passera plus sous les yeux je tiens à dissiper ce que vous m'avez laissé entrevoir. Il n'est pas vrai que nos officiers aient jamais fraternisé avec les officiers italiens. J'ai donné et renouvelé à plusieurs reprises les ordres les plus sérieux pour leur interdire toute relation étrangère au service et si ces relations sont plus fréquentes que je ne le voudrais ce n'est que par suite des provocations des pontificaux et de la nécessité d'en arrêter les conséquences. Au reste j'ai eu l'occasion de m'expliquer à ce sujet avec le Pape lui-même qui a été aussi gracieux que possible et m'a dit qu'il mettait en moi toute sa confiance. Le cardinal Antonelli m'a tenu le même langage, et m'a engagé à ne pas répondre aux misérables chicanes que le ministre des armées se plaît souvent à susciter. Je transcrits ici un paragraphe de ma dernière dépêche au ministère qui vous intéressera peut-être, comme répondant au passage de votre lettre où vous dites que c'est à ceux qui à Paris comme à Rome mettent la main à la pâte à chercher les moyens d'en finir avec le désir de trouver et de résoudre. En rendant compte de l'audience que m'a donnée le Pape, je disais : "dans cette audience assez longue, où j'ai surtout parlé des affaires locales qui se rattachent à mon commandement il ne pouvait pas ne pas être un peu question des documents publiés par le Moniteur. Le Pape attend comme tout le monde pour apprécier cette publication, les actes qui la suivront. Il prétend qu'elle a causé une vive contrariété à Turin, et ne m'a pas caché la satisfaction qu'il éprouve. J'ai dit au Saint Père que suivant moi la seule manière d'en finir serait une décision de l'Europe qui serait imposée aux deux parties, et qui déclarerait franchement aux Italiens qu'ils n'auraient jamais Rome et au Pape qu'il devrait se contenter des provinces qui lui restent. Ma foi à dit le Pape c'est ce qu'il y aurait de mieux à faire". Vous voyez que j'avais raison de vous dire qu'on n'acceptait rien, mais qu'on serait bien aise de subir. C'est là, pour m'exprimer militairement, toute la clé de la position. Croyez bien aussi que si au lieu de laisser les Italiens s'entêter dans leur aspiration vers Rome, on leur disait une bonne fois qu'il faut y renoncer, et que jamais la France n'admettra leurs folles prétentions les esprits se calmeraient vite. Il en est des fausses idées comme des idées révolutionnaires. ................. L'insolence de la circulaire Durando a dû blesser tout le monde en France et rendre plus facile l'énergie qu'il faut déployer vis à vis du gouvernement de Turin avec son autorité chancelante. Dans le présent, ... dans l'avenir, peut-il avoir la prétention de nous résister? J'attends avec bien de la patience la nouvelle politique dans laquelle nous allons ... mais je ne veux pas vous ennuyer pas un trop long bavardage. Je vous quitte en vous priant de vous charger de tous mes respects pour votre chère femme et de mes tendresses pour vos enfants. A vous de coeur.

 

P.S. : Jean a reçu une charmante lettre de Charles il répondra aussitôt dès qu'il en aura la force.