Courcelles le Roy, le 13 mars 1863

Monsieur le Ministre,

Je regrette bien de n'avoir pas eu la pensée, en quittant Paris il y a quelques jours, de vous demander quelques instants d'audience : je me serais adressée non seulement à votre bienveillance pour tout ce qui se rattache aux gloires de l'Empire mais j'aurais fait surtout appel à votre sympathie pour la mémoire de mon beau-frère le maréchal Mac Donald, afin d'obtenir de votre part un chaleureux appui près de l'Empereur.

Vous aviez fait concevoir au Duc de Tarente, pour le Sénat, quelques espérances que je vous supplie de vouloir bien ne pas laisser se perdre ; et c'est parce que le 16 mars est une occasion de faveur que je viens me rappeler à votre souvenir et mettre la candidature de mon mari sous votre patronage intime.

Il vous appartient Monsieur le Ministre, de plaider la cause du fils du maréchal dont l'Empereur disait à Sainte Hélène au milieu des amertumes de son coeur : "Le Duc de Tarente était loyal et honnête, il est resté près de moi, tandis que tous ceux que j'avais comblé d'honneurs et de richesses se hâtaient d'aller porter leur serment à leurs nouveaux souverains ! Je l'ai connu trop tard !"

Est-ce que dans ce regret, déjà exprimé à Fontainebleau au maréchal lui-même, lorsque l'Empereur lui donnait son sabre comme souvenir, vous ne trouvez pas un engagement pour son successeur de faire pour le fils ce que le temps et les événements n'ont pas permis de faire pour le maréchal ?

Vous avez Monsieur le Ministre, pour conseiller Sa Majesté, une autorité, que votre dévouement, vos services, et des liens d'affection déjà ancienne, ont consacré bien mieux encore que votre titre de ministre. Veuillez rappeler à l'Empereur que voilà dix ans que le Duc de Tarente a l'honneur de le servir que deux fois déjà il a été élu député du Loiret, qu'il est président de son conseil général et qu'il est dans sa quarantième année. Quoique la constitution ne fixe pas d'âge pour arriver au Sénat, je crois que dans son esprit, Sa Majesté ne comprend pas un sénateur sans les quarante ans, et le Duc de Tarente y arrive cette année.

Voilà un plaidoyer bien long que vous pardonnerez en faveur de sa cause à ... qui vient à vous entouré de toute l'affection que vous avez toujours trouvée parmi tous les siens. Nous serions bien heureux de vous devoir le succès ; sa sympathie de nous à vous, est déjà bien grande, laissez-moi Monsieur le Ministre, y ajouter un sentiment plus élevé : celui de la reconnaissance.

J'ose compter sur vous pour cette position qui est toute mon ambition ; l'opinion publique nous est d'ailleurs très favorable, et la presse anglaise (le Times) publiait à ce sujet au mois de décembre dernier un article des plus bienveillants. Vous savez que l'Angleterre suit toujours avec orgueil la destinée de ses enfants même lorsqu'ils ont quitté son sol.

Veuillez offrir mes compliments à la Comtesse Walewska, demandez je vous prie à cette bonne et aimable enchanteresse de vous seconder de sa grâce auprès de l'Impératrice pour assurer le succès de ma démarche ; et recevez pour vous Monsieur le Ministre, l'assurance de mes sentiments les plus distingués.

 

P.S. Je serai à Paris pour le 16