Nice 16 avril 1863

 

 

Monsieur le Comte,

J'ai le premier, il y a vingt ans, résumé la question de la propriété littéraire en cinq mots qui furent alors déclarés un paradoxe : "La propriété littéraire est une propriété".

Cela me donne le droit et m'impose le devoir de vous féliciter de l'oeuvre que vous venez d'accomplir ce sera à jamais un titre glorieux attaché à votre nom ; Richelieu donnait des pensions aux gens de lettres, vous leur donnez l'indépendance et la dignité.

Votre projet de loi qui répond à toutes les objections mettra fin à cette législation monstrueuse par laquelle le livre de Corneille ou de Lamartine n'était pas une propriété quand les cornets que l'épicier faisait avec les pages arrachées de ces livres en était une.

Permettez-moi de vous signaler une lacune :

Votre projet de loi n'indique aucune pénalité contre la mutilation l'interpolation et les petites modifications que sous divers prétextes, et au bénéfice de divers intérêts se permettent parfois les éditeurs, mutilations, dont un auteur est exposé à ne pas s'apercevoir ou à ne s'apercevoir que très tard. N'y a-t-il pas à prévoir aussi les altérations faites par les héritiers. N'est-ce pas un cas de déséhérence (sic) pour indignité.

Je vous adresse, pour ma part monsieur, mes remerciements sincères, en attendant la première occasion que je ne tarderai pas à faire naître de vous adresser publiquement ceux que vous doivent les lettres.