Saint Petersbourg, le 18 mai 1863

 

Mon Cher Comte,

Voilà une liste de huit sénateurs parmi lesquels je ne trouve pas mon nom ; j'en suis, je vous l'avoue, péniblement surpris. Cela me prouve que j'ai beaucoup d'ennemis auprès de l'Empereur ; mais je croyais et je crois encore avoir auprès de lui un ami, c'est à cet ami que je m'adresse. Je ne dirai pas que l'Empereur m'avait fait une promesse formelle, il n'y aurait pas manqué.

Mais il avait daigné me dire qu'il désirait depuis longtemps me nommer, et m'expliquer en entrant dans les détails les nécessités qui l'avaient empêché à la dernière promotion de réaliser ce désir. Enfin, mon cher comte, j'étais sorti de chez l'Empereur, certain qu'il ne se ferait pas une promotion nouvelle sans que j'en fis partie. On ne s'expliquera point comment le nom du Maréchal Lannes n'est pas encore dans le sénat de l'Empire si l'Empereur ne veut pas qu'il y soit représenté par l'ainé de la famille, priez-le, mon cher comte de nommer mon frère. Quant à moi, quand je rentrerai dans la retraite, j'y emporterai le souvenir reconnaissant de la confiance que l'Empereur m'a témoignée et la conscience d'avoir fait tout ce qui dépendait de moi par la mériter. Si je ne conserve pas d'autres liens avec son gouvernement ce ne sera pas ma faute, et l'Empereur sait bien que celui-là me suffira pour lui rester fidèle.

A revoir mon cher comte, rappelez-moi au bon souvenir de Madame Walewska et croyez moi toujours.

Tout à vous.