Bentivoglio à Walewski

Smyrne le 2 juillet 1863

Mon Cher Alexandre,

J'ai reçu une dépêche télégraphique qui m'annonce qu'un congé m'est accordé. Je vous en remercie bien vivement ; car le besoin de prendre les eaux de Plombière ou de Vichy se fait de jour en jour plus cruellement ressentir. Je suis forcé d'attendre les instructions du Département à l'égard de la gérance à cause de certaines petites susceptibilités qui existent dans le personnel du consulat général sans cela je serais parti aujourd'hui même ; j'espère que le bateau de demain m'apportera ce que je désire et alors pour ne pas retarder encore de quinze jours, je suivrai la ligne du Danube, Vienne et Paris c'est au reste le chemin le plus court et le plus agréable et je partirai dans huit jours. Je vous prie de me faire savoir par le télégraphe à Vienne à l'ambassade où se trouvera ma mère au moment de l'expédition de votre dépêche ; je serai à Vienne le 15 ou le 16 au plus tard.

Alexandre va bien nous causerons de lui à mon arrivée. J'ai expédié aujourd'hui à Monsieur Herbet un rapport commercial de quarante huit pages, j'espère qu'il sera content au moins du volume. J'en prépare un autre avant mon départ sur un projet de réorganisation de la juridiction judiciaire dans le levant. Je pense qu'on a complètement tort de toucher pour le moment à nos organisations dans l'Orient, les Anglais ont voulu le faire, en demandant la séparation de pouvoirs consulaires et judiciaires et ils s'en repentent amèrement. c'est peut-être nécessaire à Alexandrie et encore dans une certaine mesure, mais cela serait nuisible dans les autres échelles, aussi bien à notre influence qu'aux intérêts de nos nationaux. Puisque l'on me demande mon opinion je la donnerai très carément et défavorablement au projet. Je pense que tous les consuls en Orient qui ont une certaine expérience du pays seront du même avis. Adieu mon cher Alexandre je suis très heureux de vous revoir et de causer avec vous de toutes mes petites et grandes affaires je demande votre bienveillance et la santé du reste tout s'arrangera.

Veuillez me faire écrire par le télégraphe à Vienne. Je vous embrasse.

Votre bien dévoué.