2 janvier au soir

Emile Ollivier

 

Mon Cher Président,

Permettez-moi d'insister sur la dernière réflexion qui a clos notre entretien d'aujourd'hui.

Je suis résolu vous ai-je dit à appuyer l'évolution libérale que médite l'Empereur sous la forme qu'il voudra. Cependant il est grandement intéressé s'il m'emploie à m'utiliser sous la qui me permettra de rendre le plus grand nombre de services.

Or plus je réfléchis, plus j'incline à penser que c'est sous celle de chef de sa majorité. Le poste est aussi important que celui de ministre. De cette situation je pourrai mieux que de toute autre résister aux attaques de l'opposition, entrainer les indécis, réchauffer les indifférents, déterminer un courant d'opinion publique et assurer le succès des mesures.

Votre seule objection est que l'Empereur désire mon nom pour caractériser la mesure.

Soyez convaincu qu'aux yeux du public, qui en pareil cas est l'objectif, un ministre spécial ne caractérise pas une mesure.

Il n'y a que trois postes, le ministère d'état supprimé, qui caractérise une politique le ministère des affaires étrangères ou de l'intérieur la présidence du conseil d'état. De ces trois postes le dernier serait le seul qui entrerait dans mes goûts et dans mes aptitudes, parce que c'est celui qui à cause de l'absence de solliciteur, laisse le plus de temps pour l'étude et qui aussi permet le plus naturellement d'intervenir dans les discussions sans froisser l'amour propre d'aucun collègue. Or l'Empereur, avec beaucoup de raison, le réserve à un de ses anciens serviteurs. Et d'ailleurs même dans ce poste j'aurais moins de force que dans celui de chef de la majorité parce que je n'aurais pas le prestige du désintéressement.

Pourtant si cela est nécessaire j'irai où l'on voudra. Mais que l'Empereur me laisse une session au moins dans la chambre pour lui faire là un terrain solide.

Je n'attendrai pas, s'il attache quelque prix à mon adhésion, la discussion des chambres, pour la manifester. Je le ferai de suite dans un article de journal.

Avec votre bon esprit, ... les observations. Vous serez frappé je crois de leur justesse.

Votre tout dévoué.

 

P.S. : J'ajoute cette dernière considération que ma nomination entrainerait la nécessité d'une élection à Paris. On a bien six mois, mais sous la pression de l'opinion on ne pourrait différer aussi longtemps. Or, une élection à Paris n'est pas désirable pour le gouvernement avant que le nouveau système n'ait produit son effet et que l'opposition ait apaisé les ... belliqueux.