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le 13 septembre

 

Cher ami,

Il y a longtemps que cette conjuration horrible se trame. J'y ai résisté longtemps, et j'ai cru un moment qu'il n'en était plus question. Depuis, cela a recommencé ; j'en ai informé Dalloz alors à Paris et dans votre absence. Si je vous avais trouvé la dernière fois que je suis allé au Moniteur, je vous aurais expliqué l'état des choses. J'ai eu le comte Walewski avant son départ pour Biarritz. J'ai, conclu avec le Constitutionnnel, ce que j'aurais aimé, vous le savez, conclure avec le Moniteur, un traité qui me permet de me livrer tout entier à ma plume et de laisser le professorat. Je crois la chose faite, et il n'y manque, à l'heure qu'il est, que certaines formalités. Un article du traité établit une exception formelle à l'égard du Moniteur auquel, moi parti, un lien me rattache toujours, sans compter les autres liens que j'y ai contractés. Je n'attends que la conclusion formelle qui aura lieu sans doute aujourd'hui ou demain pour adresser au Ministre d'Etat une lettre qui est toute prête et où il est dit :

"Je n'ai point d'ailleurs renoncé au droit d'écrire dans le Moniteur : je ne l'aurais pu sans inconvenance et sans ingratitude. Un article spécial de mon traité établit à l'égard du Moniteur une exception qui était bien dure, mais dont je ne pourrai que bien rarement profiter."

J'abrège ce qui est pénible et ce que j'aimerais mieux vous dire de vive voix.

A vous de tout coeur.

Signé Sainte Beuve

 

Si Dalloz est à Paris, montrez-lui ma lettre