Le 5 Mars [1856]

Mon cher Walewski,

J'ai bien réfléchi encore au sujet des principautés, et je vous écris pour vous expliquer clairement mon opinion.

Il est impossible de laisser la commission se former sans avoir préalablement arrêté les bases de la reconstitution des principautés en conférence. Car si on laisse la commission aller à l'aventure il est clair qu'elle ne fera pas ce que je désire.

Quant au fond de la question il est essentiel pour la France et l'Angleterre de ne pas commettre la faute du Congrès de Vienne qui en reconstituant l'Europe n'a tenu aucun compte des vœux et des désirs des populations.

Or il est évident pour moi que les Principautés veulent leur réunion et leur indépendance. Leur amour-propre, leur intérêt les y engage. Réunies elles forment un pays aussi peuplé que la Bavière. Elles comptent pour quelque chose dans la balance de l'Europe. Divisées elles ne sont rien.

Formant un royaume à part elles sont une véritable barrière contre la Russie qui y regardera à deux fois avant de violer le territoire d'un souverain indépendant.

Enfin elles ne plus comme par le passé toujours tiraillées en sens inverse, toujours achetées et vendues, sans fixité, sans stabilité, sans gouvernement.

A part donc l'intérêt ... dont je vous ai parlé, je crois que dans l'intérêt des populations dans l'intérêt bien entendu de l'indépendance de l'empire Ottoman, dans l'intérêt du repos de l'Europe il faut que les deux principautés soient réunies et indépendantes.

Travaillez donc demain dans ce sens carrément et énergiquement

Nous avons assez fait pour la Porte pour qu'elle nous cède sur ce point.

Croyez à mon amitié.

Napoléon