Palais de St Cloud, 18 Juin 1857

Mon cher Walewski,

J'ai été bien étonné de la lettre que vous a écrite Mr Forth-Rouen, car il me semble vraiment que le Roi de Saxe nous traite un peu légèrement. En effet, qu'avait-il été convenu avant le voyage de mon cousin? C'est que son mariage avec la Princesse Sidonie pourrait avoir lieu si la personne de mon cousin plaisait au Roi et à la Princesse, car le Roi avait déclaré que sous le rapport politique, il ne voyait que des avantages.

Si donc maintenant on venait nous dire que le Prince Napoléon n'a pas plu à la Princesse, tout serait rompu et rien ne serait plus naturel. Mais soutenir que cela n'est pas le cas et que la Princesse ne veut pas se marier et rester fille c'est, en vérité, nous avoir fait jouer un rôle bien ridicule, puisque le Roi devait connaître les intentions de sa fille avant le voyage de mon cousin et qu'il était bien inutile de nous laisser faire des démarches compromettantes qui dans aucun cas ne pouvaient aboutir. J'aime en tout la franchise et je n'en voudrais pas le moins du monde au Roi, s'il donnait des raisons plausibles de ne pas consentir à ce mariage. Mais après avoir autorisé un commencement de négociation et un voyage, venir nous dire très froidement que dans aucun cas sa fille ne veut se marier, c'est, tranchons le mot, se moquer du monde. Aussi je ressens très vivement cette injure et si comme il paraît évident, le mariage ne se fait pas, .... à Mr Forth-Rouen, qu'il est bien inutile que le Roi m'écrive et que le Prince royal vienne à Paris, car dans la disposition d'esprit où je suis je ne pourrais recevoir convenablement ni la lettre ni le Prince.

Recevez, mon cher Walewski, l'assurance de ma sincère amitié.

Napoléon