Villeneuve l'Etang, le 14 avril 1859

Mon cher Walewski,

J'ai bien réfléchi à la position que nous fait les exigences de l'Angleterre et voici ce que je vous prie de rédiger en note de manière à pouvoir être publiée.

"Le gouvernement français malgré les attaques dont il a été l'objet est resté depuis l'origine du débat dans une grande réserve, ne désavouant par ses sympathies pour le Piémont mais acceptant avec empressement tout ce qui pouvait amener à un dénouement pacifique. Il a dans ce but accepté la proposition d'un congrès. Il ne s'est point refusé à admettre le principe d'un désarmement général.

Il a même insisté amicalement auprès Mr de Cavour pendant son séjour à Paris sur l'utilité d'un désarmement pour le Piémont. Mais aujourd'hui demander au gouvernement français d'insister officiellement auprès de la Sardaigne pour qu'elle désarme lorsque les grandes puissances ne l'admettent pas à défendre sa cause au congrès c'est demander au gouvernement français une chose impossible.

Le cabinet de Londres montre clairement au milieu de ses louables efforts pour la conciliation ses sympathies pour l'Autriche. Le cabinet des Tuileries ne cache pas malgré son désir de la paix ses sympathies pour l'Italie. Il se croit donc en droit de formuler ainsi nettement une opinion. Si le cabinet de Sir James veut admettre le Piémont dans le congrès comme la partie la plus intéressée mais au même titre que les grandes puissances alors la France invitera officiellement le Piémont à admettre le principe du désarmement et à en discuter la discussion au congrès mais si l'Angleterre se refuse à cette admission alors la France ne se croit pas autorisée à presser sur les déterminations d'un gouvernement ami qui n'est point admis à faire valoir ses griefs quand il y a à peine trois ans on l'a admis aux conférences quand on avait besoin de ses soldats ".

Ce thème est le seul digne le seul convenable et il nous met complètement dans notre droit sans jactance comme sans faiblesse.

Il faut que cette note soit rédigée avec habileté en vue de la publicité.

Je voudrais qu'elle put être faite pour demain à dix heures lorsque je vous verrai aux Tuileries.

Croyez à ma sincère amitié.

Napoléon