Le 19 Avril [d'une autre main 1859]

Mon cher Walewski,

 

Il ne faut pas qu'il y ait d'équivoques dans une situation aussi grave, aussi vais-je mettre par écrit ce que j'ai dit, ce que j'ai promis, afin qu'il soit bien entendu que je n'irai pas plus loin.

1° J'ai accepté le principe de désarmement général, principe qui, suivant Lord Cowley, ménageait la susceptibilité de l'Autriche, mais qui voulait dire en bon français désarmement de l'Autriche et de la Sardaigne.

2° La Sardaigne ayant refusé d'accepter ce principe, j'ai promis de l'inviter à y adhérer si l'Angleterre promettait de se joindre à moi pour obtenir son admission au congrès.

3° J'ai promis encore par déférence pour l'Angleterre de consentir à ce que les représentants de toutes les puissances s'assemblent à Londres pour convenir du désarmement.

Voilà ce que j'ai promis et ce que je tiendrai mais l'Angleterre aujourd'hui demande l'acceptation immédiate d'un désarmement simultané par les trois puissances. C'est une prétention intolérable.

Je suis la puissance qui ait le moins armé ou plutôt qui n'ait point armé du tout.

Ai-je demandé comme l'Angleterre une augmentation de crédit pour ma flotte, ai-je comme l'Autriche mes régiments d'infanterie portés à cinq mille hommes (ils sont à deux mille). Que l'Autriche et la Sardaigne désarment, très bien ! Mais si on veut que la France diminue ses effectifs, il faut en même temps que l'Angleterre qui n'est menacée par personne désarme. Il faut que l'Allemagne désarme. Si l'Angleterre persiste sur sa demande, pour toute réponse j'armerai non pas six cent mille mais huit cent mille hommes.

Recevez l'assurance de ma sincère amitié.

Napoléon