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Alger, 23 Mai 1865

 

Monsieur et très cher cousin,

Je ne puis m'empêcher de vous témoigner la pénible impression que me cause la lecture de votre discours prononcé à Ajaccio.

En vous laissant, pendant mon absence, auprès de l'Impératrice et de mon fils, comme vice-président du Conseil Privé, j'ai voulu vous donner une preuve de mon amitié, de ma confiance, et j'espérais que votre présence votre conduite vos discours témoigneraient de l'union qui règne dans notre famille. Le programme politique que vous placez sous l'égide de l'Empereur ne peut servir qu'aux ennemis de mon gouvernement. A des appréciations que je ne saurais admettre, vous ajoutez des sentiments de haine et de rancune qui ne sont plus de notre époque.

Pour savoir appliquer aux temps actuels les idées de l'Empereur, il faut avoir passé par les dures épreuves de la responsabilité et du pouvoir ; et d'ailleurs pouvons-nous réellement, pygmées que nous sommes, apprécier à sa juste valeur la grande figure historique de Napoléon ! Comme devant une statue colossale, nous sommes impuissants à en saisir à la fois l'ensemble. Nous ne voyons jamais que le côté qui frappe nos regards ; de là l'insuffisance de la reproduction et les divergences des opinions.

Mais ce qui est clair aux yeux de tout le monde, c'est que, pour empêcher l'anarchie des esprits, cette ennemie redoutable de la vraie liberté, l'Empereur avait établi dans sa famille d'abord, dans son gouvernement ensuite, cette discipline sévère qui n'admettait qu'une volonté et qu'une action. Je ne saurais désormais m'écarter de la même règle de conduite.

Sur ce, Monsieur et cher cousin, je prie Dieu qu'il vous ait en sa sainte garde

Signé : Napoléon