Traduction


Londres, le 6 janvier 1860.


Mon cher Monsieur,
J’ai appris avec un vif regret la retraite du comte Walewski du Ministère des Affaires Etrangères. Je puis vous assurer que S.E. emporte avec lui le respect de ceux-là même qui, en Angleterre, différaient d’opinion avec Elle, et cela pour le seul motif qu’ils reconnaissent que Mr. Le Comte Walewski n’a jamais manqué, dans toutes les circonstances, d’exprimer à son souverain son opinion sincère et franche, quoique pas toujours en notre faveur ; et qu’il a mieux aimé sacrifier sa position qu’abandonner ses convictions. Ce sont là de nobles qualités de tout ministre. Partout où nous les trouvons nous respectons celui qui en est doué, et nous estimons heureux le Prince qui a un pareil conseiller. Ne vous laissez donc pas tromper par les calomnies du Times (c’est l’habitude de ce journal de calomnier en pareille circonstance,) car je puis vous l’assurer, je viens d’exprimer l’opinion des hommes en Angleterre dont l’estime a quelque valeur. Quant à moi, j’ose espérer que la carrière si utile de Mr. Le Comte Walewski n’est que momentanément interrompue. Veuillez, je vous en prie, le remercier de la manière dont il a accueilli mes communications ; de la liberté de parole qu’il m’a autorisé à employer ; et de la confiance qu’il m’a accordée, et qui sera pour moi, un des souvenirs les plus agréables de ma vie.
Je ne dois pas vous laisser ignorer que depuis le jour où j’ai pu vous informer que Lord John Russell et Lord Palmerston faisaient une distinction entre la politique de l’Empereur et la politique du Comte Walewski, j’ai toujours observé que cette distinction persistait dans l’esprit de Lord John, qui considérait le Comte Walewski à peu près comme un antagoniste ; j’ai remarqué en outre qu’il existait un certain sentiment d’irritation. Vous ne serez donc pas étonné que les organes de notre Cabinet considèrent ce changement comme favorable à notre politique italienne et qu’ils recherchent des relations plus cordiales avec l’Empereur.
Monsieur Thouvenel jouit d’une haute réputation en Angleterre, comme auteur des dépêches qui portaient la signature de Mr Drouyn de Lhuys, durant les événements qui ont précédé la guerre de Crimée.
Soyez-en persuadé, il existe ici, dans toutes les classes (à l’exception peut-être des chefs des Tories) le plus vif désir de coopérer avec la France, à l’arrangement de la question italienne de manière à mettre la Péninsule dans une position complètement indépendante de toute puissance étrangère, et à lui assurer la liberté de ses  actions à l’intérieur. Rien ne nous serait plus agréable que la renonciation au Congrès, que nous croyons entouré de difficultés insurmontables, car sans concert préalable, toute délibération utile serait impossible, et le Congrès deviendrait une seconde tour de Babel. Sans doute notre cour est favorable à l’Autriche ; mais si dans l’arrangement de cette question il y a un point plus évident qu’un autre, c’est qu’il faudra sacrifier tous les intérêts autrichiens. Les évènements ont efficacement modifié les dispositions amicales de l’Empereur à l’égard de l’Autriche. L’Europe n’a pas été créée pour cette Puissance. Dans tous les cas il est certain  que notre Cabinet ne pourra pas modifier sa politique d’une manière considérable. Tout changement radical serait déshonorable pour les traditions du Parti Whig, et ruineux pour l’influence de Lord John et de Lord Palmerston; et puis ce dernier est toujours obstiné.
Nos ministres ne sont trop contents ni des affaires publiques, ni de leur propre position. Je vous ai déjà parlé des sentiments de Lord John et de Monsieur Sydney Herbert. Hier au soir, j’ai vu une note adressée par Sir Charles Wood à un de ses amis confidentiels, dans laquelle, sans cependant en indiquer les motifs il dit qu’il n’aime pas l’état actuel, et l’avenir des affaires soit à l’Intérieur, soit à l’Etranger.
On me dit que le budget des dépenses de notre artillerie qui devra être présenté au Parlement, dans la prochaine session, sera extrêmement considérable.
Je me mets entièrement à votre disposition en ce qui concerne la continuation de votre correspondance.
J’ai l’honneur de..
Signé : W. H. C.