Florence, le 26 mars 1848

 

Monsieur le Ministre,

Je viens d'avoir une longue conversation avec le Grand-Duc de Toscane, elle a principalement roulé sur les évènements de Paris et sur les intentions du gouvernement de la république relativement à l'Italie.

Le Grand-Duc paraît décidé à marcher franchement dans la voie où il est engagé ; il pense que l'Autriche fera de grands efforts pour conserver le royaume Lombardo-Vénitien et quelle ne se le laissera arracher qu'à la dernière extrémité ; d'un autre côté l'Italie entière marchera au secours des Lombards, et alors que fera la France ? J'ai répondu au Grand-Duc que mon opinion personnelle était que la France n'assisterait pas les bras croisés à une guerre d'extermination entre l'Autriche et l'Italie.

Les nouvelles qui nous arrivent aujourd'hui de Milan nous paraissent positives : la ville est au pouvoir des Milanais, les troupes autrichiennes ont été forcées d'évacuer le fort du Simplon où ils s'étaient retirés. Le roi de Sardaigne marche sur la Lombardie avec trente mille hommes et quatre-vingt pièces de canons. Les volontaires génois, bolonais et toscans se portent en masse au secours des Lombards. Ces derniers ont pris possession de Massa et s'avancent sur Modène.

Enfin décidément la partie est engagée, chacun brûle ses vaisseaux, il faut que le sort de l'Italie se décide et tout le monde ici est plein de confiance.

Agréez Monsieur le Ministre l'assurance de ma profonde considération.

A. Walewski

P.S. : Hier soir le peuple a parcouru la ville en faisant retentir l'air des cris de « Vive l'Italie, Vive Charles Albert, Vive Léopold II ». Il s'est porté à la légation autrichienne, les armes d'Autriche ont été arrachées et brûlées devant la maison du ministre de Sardaigne. Du reste cette démonstration n'a été accompagnée d'aucun désordre.