4 Septembre

[D’une autre main : réponse Biarritz 24 septembre]

Mon cher comte,

Une petite cholérine dont je ne suis pas complètement rétabli ne me permet pas d'oser me mettre en route pour réaliser, au moins quant à présent, le projet d'aller vous voir dans votre grand manoir, projet qui me souriait beaucoup.

Resterez-vous longtemps dans le Midi ? Où et quand pourrai-je encore vous trouver, si le Dieu de la santé me devient plus propice.

Mais vous, comme vous seriez aimable de vous détourner vers Montaigne. Depuis l'époque où Henri IV venait y visiter le philosophe, ce lieu modeste n'aurait pas eu pareille fête. La tour, véritable monument historique, où les essais ont été écrits et qui porte encore sur les solives la trace de l'esprit du maître, aurait besoin de restauration, et vous seriez dans votre élément en me donnant des conseils.

Voici les quelques paroles que j'ai prononcées au banquet que le Préfet a donné au Conseil général de la Dordogne. J'ai remarqué que mes braves compatriotes qui affectionnent l'Empereur de toute leur âme, aiment mieux que je leur dise quelques mots de sa personne, de ses sentiments, de son dévouement à leurs intérêts, que d'entendre développer un cours de politique générale dont ils savent la parfaite inutilité ! Je m'efforce de les servir suivant leurs goûts, et ma conviction les gagne sans peine.

Si cela vous paraît en valoir la peine montrez le à L'Empereur, afin que Sa Majesté sache pour quel motif, tout à fait local, je crois devoir, sauf meilleur avis, m'abstenir des grands discours politiques en parlant à un corps qui ne doit pas faire de politique.

Recevez ma bien sincère amitié.

P. Magne

Au château de Michel Montaigne, commune de Michel Montaigne, canton de Velines (Dordogne)

4 septembre 1861