Paris, 1862

 

[En tête : Cabinet de Son Excellence M. Magne

Ministre sans portefeuille]

 Mon très cher collègue,

J'ignore l'impression que mon discours sur les finances a faite sur l'esprit de l'Empereur. J'aurais voulu voir Sa Majesté pour lui expliquer les motifs qui m'avaient déterminé à parler comme je l'ai fait, mais ne pouvant sortir, je viens vous prier de dire à l'Empereur qu'en présence de l'amendement de Monsieur Jules Favre et de ses amis et surtout de leurs commentaires il m'était impossible de ne pas accepter le débat sur les actions du passé sans reconnaître que l'Empire n'avait fait que gaspiller les finances, dilapider les fonds des caisses publiques, en violant les lois; jamais aucun gouvernement n'avait été attaqué à cet égard avec une violence aussi dangereuse.

Je dis dangereuse, parce qu'ils s'appuyaient ouvertement sur le rapport du 14 novembre dont ils citaient plusieurs passages, ne pas répondre nettement, et catégoriquement c'eût été donner une nouvelle force à toutes ces calomnies et aggraver les inquiétudes déjà si grandes et si mal fondées de l'opinion au sujet de nos finances.

Je me suis efforcé d'établir que le rapport du 14 novembre n'a pas le sens qu'on lui prête, et d'affranchir Monsieur Fould du rôle que les ennemis du gouvernement voulaient lui faire jouer en commun avec eux.

Je ne sais s'il m'en sait gré mais j'espère qu'en réfléchissant, il verra que je l'ai justifié du plus grave reproche qu'on aurait pu lui faire. Je ne suppose pas en effet qu'il soit bien flatté d'avoir été pris par Messieurs Jules Favre Picard et Darimon comme étant l'auxiliaire et en quelque sorte l'inspirateur de leurs attaques passionnées contre l'Empereur. J'ai donc fait pour lui ce que j'aurais voulu qu'on fit pour moi si j'avais été à sa place.

Si vous prenez la peine de lire mon discours, vous m'en direz votre sentiment auquel j'attache comme vous savez le plus grand prix.

Mille amitiés.

P. Magne

P.S. Que vous seriez aimable si vous pouviez venir soit en allant à la promenade soit en revenant d'Etiolles causer avec moi une minute.