Lettre envoyée par Magne à l'Empereur dont il envoie copie à Walewski sans doute pour lui demander son avis.

Walewski lui envoie le billet suivant daté du même jour (classement précédent conservé)

Mon cher Magne

Je crois que vous ferez bien d'envoyer votre lettre Mille amitiés

PS rien de nouveau pour mon affaire si ce n'est qu'elle doit être terminée d'une manière ou d'une autre avant demain matin.

 

[En tête : lettre adressée par le ministre à l’Empereur  - confidentielle]                                       

Paris, le 27 mars 1863

 

Sire,

Depuis le dernier discours de Monsieur Fould au Sénat les journaux ont recommencé une série d'articles qui sont de nature à entretenir dans le pays les idées les plus fausses sur les finances de l'empire pendant les dix premières années du règne de votre Majesté. La plupart fondent leur raisonnement sur des chiffres tout à fait erronés ; mais le journal la Patrie dans son numéro du 26 de ce mois les dépasse tous par l'aplomb véritablement  audacieux de ses affirmations.

Ainsi pour montrer les avantages du présent sur le passé elle part de ce point qu'en 1862 il n'y a eu que 35 millions de suppléments de crédits, somme quelle compare aux énormes crédits supplémentaires ou extraordinaires qui créaient, chaque année, dit le journal, un véritable budget à côté du budget primitif voté par les chambres.

La conséquence que le public doit tirer de ce rapprochement est bien simple : c'est qu’il fallait que la prodigalité du gouvernement fût bien grande, puisqu’il a suffi de la placer sous la tutelle de la chambre pour que malgré la guerre du Mexique les suppléments de crédits aient été subitement ramenés de 291 millions en 1860 et de 252 millions en 1861 à la simple somme de 35 millions en 1862.

Certes si le senatus consulte avait produit ce miracle, il n'y aurait pas assez de couronnes pour glorifier le système des virements et pas assez de blâmes pour réprouver la conduite antérieure du pouvoir.

Faut-il, Sire, laisser ces impressions se répandre lorsque c'est directement le contraire qui est la vérité. Lorsqu'il est de toute certitude que les crédits supplémentaires ont été en 1862 non pas de 35 millions mais de 300 millions, et que rien ne justifie mieux l'usage modéré que l'Empereur faisait de sa prérogative puisque les chambres malgré tout leur désir d'économie ne font pas mieux que lui.

Mon projet était d'envoyer une note au journal la Patrie pour relever son erreur inconcevable et rectifier les idées qu'il a pu suggérer à ses lecteurs.

Mais je n'ai voulu rien faire sans soumettre à votre Majesté cette idée et prendre ses ordres.

Que l'Empereur veuille bien y réfléchir, les erreurs de cette nature, qu'on néglige de rectifier, font un chemin rapide et il devient ensuite impossible de redresser l'opinion.

Je ferai ce que sa Majesté voudra mais mon devoir était de l'avertir.

Je suis avec le plus profond respect, Sire, de votre Majesté, le très humble et très obéissant et fidèle serviteur.

Signé : Pierre Magne

Le discours même de Mr Fould contient sur 1862 une erreur bien considérable, mais elle concerne particulièrement la gestion de Monsieur de Forcade qui, j'en suis sûr, ne la laissera pas passer.