26 septembre 1863

A Monsieur le comte Walewski,

Il y a très longtemps que je vous ai quitté et il s'est passé depuis des choses si sérieuses que je suis tenté dans mon isolement de vous demander que savez-vous ? Que pensez-vous? Que devenez-vous?

La question polonaise se précipite. J'ai bien peur que l'on nous laissera seuls. J'ai eu cette crainte dès le début et c'est ce pressentiment qui a refroidi l'opinion publique. Le peuple je parle du vrai peuple n'est pas pour la guerre, surtout faite par nous seuls.

Si vous allez à Londres, comme on le dit, appliquez vous à maintenir l'alliance jusqu'au bout si non à trois au moins à deux et vous épargnerez à l'Empereur l'alternative d'une fâcheuse retraite ou d'une grande témérité.

Ou je me trompe beaucoup ou la majorité de la nouvelle chambre fera une manifestation belliqueuse; elle n'ouvrira la bourse de l'Etat que si celle de l'Angleterre se délie en même temps et encore non sans peine.

La visite de Tarbes prouve, si elle est vraie, ou que les Tuileries sont bien pacifiques, ou que la rue Rivoli se familiarise avec l'idée d'un emprunt. Sans cela comment expliquer une si parfaite entente ?

J'ai vu Forcade. Je n'ai pu lui donner aucune indication sur les débats de la prochaine session. Ils dépendent de beaucoup d'incidents que personne ne peut encore prévoir.

Est-il vrai que nous aurons prochainement un grand manifeste financier ? Savez-vous si la session s'ouvrira en Novembre, et si ce sera la session ordinaire, ou simplement la vérification des pouvoirs ?

Avez-vous vu l'Empereur? Je désire bien vivement pour lui et pour vous le retour de ces causeries intimes où il entendait le langage non suspect du dévouement et de la vérité. C'est le rôle du Conseil privé.

En réponse à une lettre que j'avais écrite à l'Empereur pour m'excuser de n'être pas à Paris le 15 août, il m'a adressé quelques mots très affectueux, de sa main.Il veut bien me dire qu'il compte toujours sur mon dévouement auquel il attache un grand prix.

Est-il bien vrai que vous allez à Londres?

Mille amitiés.

P.M.

Vous avez vu Thiers à Dieppe, compte t-il faire une campagne financière?