Saint-Michel Montaigne (par Lamothe Montravel Dordogne), le 15 septembre 1865

 

Très cher Président,

Nous serons très heureux de votre visite ; nous y comptons.

De Libourne à Michel Montaigne, il faut environ une heure et demie de voiture.

Si vous arrivez à Libourne inopinément, vous trouverez chez Monsieur Destrilles, directeur de Messageries, (hôtel des Princes) un moyen facile de transport. Si vous avez le temps de m'avertir d'avance du jour et de l'heure de votre arrivée, je vous enverrai chercher. Mais il faut que je reçoive l'avis la veille au plus tard.

Vous pouvez laisser vos bagages à la gare de Libourne et ne porter que ce qui sera nécessaire pour votre séjour à Montaigne.

Nous pourrons utiliser votre retour à Libourne pour visiter, en passant, Montaigne les Tours. C'est un détour très facile.

Montaigne les Tours est, dit-on, beaucoup plus beau que Michel Montaigne ; or voici une petite photographie d'un côté de Michel Montaigne, pris en profil, ce qui cache une partie du développement.

Si ceci ne vous déplait pas trop, nous pourrons en conclure que Montaigne les Tours vous plaira beaucoup.

Votre voyage dans le Midi motivé comme vous le dites, ne peut pas ne pas avoir un objet très sérieux.

On parle furieusement de changements ministériels. C'est la saison des canards de cette espèce, que novembre fait envoler.

La rente monte, malgré l'emprunt de la ville de Paris, qui devait tout perdre disait-on.

Le crédit ne s'appuie que sur les situations vraies. Lorsqu'un emprunt n'est pas motivé, ou qu'il doit subvenir à des dépenses folles ou stériles et qu'il indique de mauvaises tendances, le crédit en est atteint. Mais lorsqu'aux yeux de tous, un emprunt est nécessaire pour rétablir une situation embarrassée, ou qu'il doit subvenir à des dépenses fécondes et urgentes, tout le monde le sait, tout le monde s'y attend. L'ajourner par obstination ou par défaut de clairvoyance, c'est prolonger l'incertitude et atteindre le crédit par son point le plus sensible.

Ce qui s'est passé à la suite de l'emprunt de la ville m'a donné, si je ne me trompe, une fois de plus, singulièrement raison.

 

Mille amitiés et à bientôt

P. Magne