Paris, le 7 août 1867

Mon cher Comte,

Depuis votre départ il ne s'est passé absolument rien, à ma connaissance, qui puisse vous intéresser.

J'ai cru un moment à la possibilité d'une solution convenable pour le Conseil privé. L'Empereur paraissait bien disposé et Rouher résigné. Mais à l'heure même de son départ Rouher m'a écrit que la question était ajournée pour être plus approfondie. Je lui ai répondu aussitôt qu'une question examinée pendant cinq ans et qui n'est pas assez approfondie est une question vidée. J'abandonne donc la partie pour toujours, non convaincu mais vaincu.

Je me suis efforcé de faire sortir cette affaire du cercle mesquin des affections ou des rancunes ou des petits intérêts privés, pour l'élever au niveau d'une question de convenance et d'intérêt public.

Je l'ai placée sur le terrain de l'union des forces dévouées à l'Empire. Peine perdue !

Je pars dans quelques jours pour Montaigne, fort découragé. J'y resterai le plus longtemps possible. Je vous y attendrai.

Le discours de Persigny a fait très grand bruit. Le point d'interrogation auquel je ne peux répondre est celui ci : l'Empereur l'a-t-il autorisé ?

Le crédit du Moniteur ne se rétablit guère. Il semble que tout conspire pour le mettre en contradiction avec les faits. N'être pas cru est la plus déplorable chose. Aussi j'en suis véritablement affligé. C'est notre force morale qui s'en va, sans profit pour personne.

Je ne sais rien des bruits qui vous arrivent sur le Ministère. Jamais les cancans sur ce point n'avaient été plus muets ; le seul point sur lequel on paraît s'accorder c'est que les Ministères d'Etat et des Finances demeureront réunis.

J'ai remis à l'Empereur le travail qu'il m'avait demandé sur les finances ; il m'en a paru fort content. Mais au dîner donné au Roi de Suède, je suis le seul qui n'ait pas été présenté. Sans doute par oubli.

Le reste ne vaut pas l'honneur d'être compté ; j'ai été de ce ....

Mille amitiés

P. Magne