Londres, ce 3 Novembre 1846

Monsieur le Comte,

Je n'ai pas répondu plus tôt à votre lettre espérant d'un jour à l'autre venir vous serrer la main à Paris, où des affaires de famille réclament impérieusement ma présence mais je dois perdre cet espoir le ministère m'ayant refusé une permission de quinze jours, refus aussi odieux que ridicule !

J'ai réfléchi longuement à ce que Mr Thiers vous a dit, j'espérais un peu plus de lui, mais si les promesses qu'il vous a faites sont bien petites, j'espère d'autant plus qu'il les tiendra si jamais il remonte au pouvoir.

Le malheur, et en même temps la seule consolation de l'amitié, c'est l'illusion ! Votre lettre a détruit celle que j'avais de rentrer comme citoyen dans ma patrie sous un ministère libéral, je n'ai plus que celle de trouver des facilités pour séjourner en France.

Veuillez je vous prie remercier Monsieur Thiers des bonnes dispositions que vous me dites qu'il a pour moi, j'en suis bien touché.

Je vous remercie Monsieur le Comte de l'offre que vous me faites de vouloir bien continuer à être mon intermédiaire auprès de Monsieur Thiers, si l'occasion s'en présente je m'adresserai à vous aussi franchement que dans le passé, heureux de trouver en vous autant d'amitié.

Croyez Monsieur le Comte que de mon côté elle est bien sincère, votre tout dévoué

Napoléon Bonaparte