Paris, 5 septembre 1856

Mon cher Walewski,

Vous ne pouvez être dans l’ignorance de l’état où je se trouve ma santé ; déjà j’ai essayé bien des moyens pour la recouvrer, mais rien ne m’a encore réussi. Les meilleurs médecins de Paris se rencontrent d’accord pour m’envoyer passer peut-être un long temps hors de France dans des climats chauds. Mes enfants, c’est-à-dire l’amour que j’ai pour eux me donne la force de vouloir absolument me guérir ; leur bonheur ne quittant point ma pensée, j’ai songé mûrement et sagement à leurs intérêts pendant mon absence qui peut se prolonger au delà de quelques années peut-être (c’est le docteur Sages qui le dit).
Mettant un ordre minutieux dans  ma fortune, qui appartient à mes fils je souhaiterais vivement causer quelques instants avec vous, mon cher Comte, de l’avenir d’Alexandre. Je ne doute point de votre approbation pour tout ce que m’inspirent mes sentiments vraiment maternels. Veuillez donc distraire quelques moments de votre temps précieux et me les consacrer au plus tôt chez moi rue Trudon.
Il fait si beau à la campagne que, dans l’intérêt de ma santé je souhaite ne rester à Paris que le moins possible ; j’y suis venue pour vous seul et j’attends avec impatience l’heure dont vous pourrez disposer demain samedi.

Croyez à mes sentiments tout dévoués

Rachel