Il faut adopter une politique de paix ou une politique de guerre. Croire qu’on peut obtenir par une politique expectative des résultats importants, est une complète illusion ; en voulant naviguer entre deux eaux on risque de se noyer. La table du singe et des plaideurs n’a jamais trouvé d’application dans l’histoire. En repassant les événements des deux derniers siècles en Europe, où on rencontre des analogies à toutes les situations, jamais une puissance n’a obtenu des avantages notables sans tirer l’épée du fourreau. La politique d’expectative conduit à des situations comme celle où la France s’est trouvée après l’affaire de Pologne et l’affaire du Danemark.
Il est des situations qui imposent certains résultats et des succès qui deviennent indispensables si l’on ne veut pas avoir à essuyer des échecs. La politique de paix offre aujourd’hui un grand rôle à la France ; la crainte de la guerre préoccupe les esprits, entrave l’industrie et le commerce, arrête les entreprises, émeut tous les intérêts. Prendre résolument en main la cause de la paix, l’imposer hardiment en se mettant à la tête des puissances neutres qui seraient toutes disposées à suivre cette voie, c’est là sans aucun doute une grande mission à accomplir de nature à donner à la France un grand rôle dans le monde et à assurer à son gouvernement l’assentiment du pays qui en serait fier.
Si d’un autre côté les circonstances sont telles que les intérêts et la gloire de la France nécessitent un rôle actif, il faut s’y décider sans retard ; il ne suffit pas d’attendre les événements, il faut aller au- devant, en prenant en main la direction des choses, en donnant du courage aux timides, en soutenant énergiquement les résolutions des forts.
Au point où en sont les choses en Allemagne, la guerre ne surgira que si nous nous mettons de la partie, et si, par impossible elle surgissait sans nous, nous ne pourrions pas en profiter ; car le jour où nous voudrions nous en mêler, elle cesserait immédiatement, et les adversaires de la veille seraient contre nous les alliés du lendemain.
Il serait plus difficile de s’unir à la Prusse qu’à l’Autriche, parce que l’opinion publique est plus disposée à se prononcer contre la Prusse que contre l’Autriche.
Au point de vue de l’intérieur surtout, il est plus indispensable de se prononcer pour une politique de paix ou pour une politique de guerre car l’une ou l’autre serait un puissant dérivatif, l’une ou l’autre en satisfaisant l’amour propre national ramènerait au gouvernement des dévouements et des sympathies qui se tendent à se dissiper. La politique expectante au contraire qu’on pourrait appeler à juste titre politique du juste milieu, pouvant aboutir à un rôle effacé, laisse toutes les tendances de l’esprit national tourner vers l’intérieur pour y trouver des compensations et n’est pas de nature à augmenter le prestige dont il est si essentiel que le gouvernement de l’Empereur soit toujours entouré.