Saint-Germain, 2 août 1866

 

 Mon cher Magne,

Je suis fâché de ne pas vous avoir vu avant mon départ. Nous aurions glosé sur toute chose.                                                                                                                            Francfort, Bismarck, Ricavoli, …, le Prince Napoléon, et ... et les…. etc ... que de sujets de conversation ! Enfin voilà la Prusse maîtresse, maîtresse absolue de l'Allemagne envers et contre toutes les confédérations du Sud, dont bien à tort on s'était imaginé pouvoir faire un contre –poids ! Et qui en dernière analyse mourront avant d'avoir vu le jour !

l'Italie aussi la Vénétie purement et simplement ; quant au Tyrol italien ... il faudra en faire son deuil, de même que des idées de gloire, de conquête, de victoires etc .

L'Autriche se laisse rejeter hors de l'Allemagne avec une armée de 240.000 prête au combat! Mais les malins disent qu'elle saura prendre une bonne revanche prochainement et que n'ayant plus la Vénétie à défendre ses forces seront doublées et disponibles au Nord comme au Sud.

Quant à nous, nous avons contribué à arrêter l'effusion de sang ; des malins disent que c'était pour un remords de conscience.

Je ne sais pas si vous tirerez un grand profit de la situation que nous avons si grandement contribué à amener mais ce que je sais c'est que personne ne nous en sait gré, pas plus les Italiens que les Prussiens, pas plus l'Autriche que les petits Etats allemands, pas plus l'Angleterre que la Russie qui ont l'air de s'en laver les mains mais qui n’en pensent pas moins.

Savez-vous pourquoi tout cela m'attriste et m'inquiète? C'est parce qu'il nous faut une revanche, et à quel prix l'obtiendrons nous.

Selon moi toute la gravité de la situation est dans ce mot.

Et il eût été si facile il y a quatre mois, si facile il y a trois mois, si facile il y a deux mois, si facile même il y a encore quelques jours de prévenir tout cela!!!

Mazarin, Richelieu, où étiez-vous?!

 

Mille amitiés dévouées

A.W.

Nous partons pour Evian le 14 et nous y resterons six semaines