Cher Comte me revoilà par ces temps de détresse pour vous rappeler de lire avec attention la lettre ci-jointe qui est de ma nièce la Comtesse Adam Potocka . Dieu, la France et l'histoire condamneront les hommes puissants sur cette terre de l'indifférence avec laquelle ils laissent s'accomplir de semblables massacres provoqués par le plus odieux machiavélisme et toléré par cette horrible qu'on nomme la politique qui sert d'excuse à tout, qui fait parler quand on devrait se taire et qui se tait quand il faudrait agir.

La Pologne dormait d'un sommeil écrasant lorsque l'Empereur a proclamé le saint droit des nationalités ce n'était certainement pas avec l'intention de nous faire passer de la léthargie à la mort. Je sais combien je suis peu de choses pour élever ainsi ma voix mais je sais qu'un cœur qui sent profondément peut faire passer ses convictions dans des cœurs droits et honnêtes c'est pour cela que je m'adresse à vous, cher Comte.

Ma conviction est que les sympathies réelles et avancées de la France pour la cause polonaise est de nature à ce que l'Empereur la prenne en considération car de toutes les difficultés qui s'accumulent pour préoccuper son esprit la plus grande serait de chercher à se circonscrire sur un point d'arrêt et de laisser faire de bons amis sur lesquels il ne doit pas compter et qui le menacent déjà par la stupide intervention de la presse de Berlin d'une nouvelle Sainte Alliance. C'est bouffon, le silence seul peut accréditer ces rodomontades.

Vous ne m'en voudrez pas cher comte de vous parler franchement je connais votre dévouement pour l'Empereur et je crois que la vérité est toujours bonne à dire en temps opportun.

Mille amitiés