Les réfugiés polonais se sont adressés à plusieurs reprises au ministère de l'intérieur, et à celui de la guerre, pour leur représenter l'utilité qu'il y aurait à permettre à leurs jeunes compatriotes de se vouer aux études que la dernière guerre d'indépendance en Pologne ne leur a pas permis d'achever.

La réalisation de ce vœu est si importante, elle offre la certitude de tant d'avantages, que les réfugiés polonais ne se laissent point décourager par les difficultés qu'ils ont rencontrées. Bien loin de là, ils ont résolu d'y sacrifier tous leurs soins et même le peu de moyens que la rigueur du sort laisse à leur disposition. Ils ont formé une association dont le but est de faciliter les moyens de s'instruire aux jeunes polonais, et cela de toutes les manières possibles. Cette association paraît inspirer de l'intérêt : des subsides commencent à alimenter ses fonds. D'autres associations se sont formées dans le même but en Angleterre ; et si le gouvernement français voulait lui accorder son appui l'association de Paris pourrait se flatter de produire quelque bon résultat.

Parmi les sept premiers dépôts formés en France, cinq et nommément ceux d'Avignon, Bourges, Châteauroux, Puy et Salins, ont fait parvenir au conseil de l'association des listes de polonais de tous grades civils et militaires, qui désirent se vouer à des études spéciales, dans les différents établissements d'instruction publique que possède la France.

Ces listes, en y ajoutant quelques réfugiés habitant Paris, offrent un total de 539 polonais désireux de s'instruire, savoir :

Dans :

1. l'Art militaire171
2. les Sciences Mathématiques et Physiques35
3. les Sciences médicales40
4. les Sciences administratives60
5. la Législation42
6. les Lettres26
7. les Beaux-arts58
8. les Arts et Métiers95
9. Et de continuer leurs études générales dans les Collèges de France 12
 
 539

L'association des études, après avoir examiné avec soin ces listes, après avoir, de plus, cherché à réunir des renseignements sur le nombre de ceux d'entre ses compatriotes qui voudraient se vouer à l'Etat ecclésiastique, enfin sur le nombre d'enfants polonais qui se trouvent en France, espérant que l'appui du gouvernement et la sympathie de la nation viendront seconder ses efforts, se propose de leur donner une direction capable de lui permettre les quatre opérations suivantes :

Première opération

Placement de 30 jeunes gens choisis parmi les sujets les plus distingués pour leur procurer les moyens de se former

a. en qualité d'officiers d'Etat-Major4
b. en qualité d'officiers de Génie et d'Artillerie4
c. en qualité d'Ingénieurs-Géographes1
d. en qualité de Constructeurs-Architectes2
e. en qualité d'Ingénieurs-Civils2
f. en qualité de Mineurs2
g. en qualité de Directeurs de Fonderie de canon2
h. en qualité de Directeurs de fabriques d'armes2
i. en qualité de Directeurs de fabriques de poudre1
k. en qualité de Médecins chefs d'hôpitaux militaires2
l. dans les Sciences du commerce3
m. dans les Arts et Métiers3
n. dans les Beaux-arts2
 
 30

Deuxième opération

Placement d'autant d'individus que faire se pourra, dans les collèges et écoles de France pour ceux qui voudront continuer leurs études interrompues - dans une ou deux écoles civiles ou militaires, formées ad hoc par l'Association dans l'un des dépôts - enfin dans des fabriques ou ateliers où les jeunes polonais désirent travailler.

Troisième opération

Placement dans un séminaire choisi de ceux qui voudront se vouer au service des autels.

Quatrième opération

Etablissement d'un pensionnat pour les enfants polonais.

Pour procéder dans ce système avec ordre, pour préparer les fonds nécessaires, l'Association a résolu de commencer, par s'assurer si le gouvernement voudra bien protéger ses efforts et nommément

Quant à la première opération.

S'il permettra à 30 sujets choisis parmi les plus capables l'admission dans les établissements principaux de France, de

4 individus à l'Ecole de l'Etat-Major

3 individus à l'Ecole Polytechnique

2 individus à l'Ecole des Ponts et Chaussées

2 individus à l'Ecole des Mines.

De même s'il permettra le séjour de Paris pour

3 individus à placer à l'Ecole du Commerce

3 individus à placer à celle des Arts et Métiers

2 individus à placer à celle des Beaux-Arts à Paris

S'il permettra le placement de

4 individus à l'Ecole d'Artillerie et de Génie à Metz

2 individus à la Fonderie de Douai

2 individus à la Fabrique d'armes à Saint Etienne

1 individu à celle de Poudre à Angoulême

Enfin s'il permettrait à deux médecins polonais de visiter et d'étudier l'organisation et le service des hôpitaux militaires de France.

Si le gouvernement admettait le principe et voulait bien permettre de placer ainsi ces 30 sujets on lui demanderait :

1° d'accorder à ces individus choisis par l'Association les permis nécessaires pour se transporter et séjourner dans les endroits susdits

2° de continuer à faire toucher à ces individus les subsides de leurs grades

3° de les faire agréer dans les établissements susdits comme externes sans frais.

4° de leur accorder un petit secours pour frais de route.

De son côté, l'Association tâcherait de pourvoir de ses fonds

1° à ce qui pourrait manquer à leur entretien dans les villes plus chères que les dépôts où ils se trouvent actuellement

2° aux menus frais, comme achat de livres, instruments.

Quant à la seconde opération, nous désirerions savoir si le gouvernement permettra

1° à ceux des réfugiés qui voudraient continuer leurs études, de le faire dans les collèges ou écoles choisis par eux, ou par le gouvernement

2° s'il permettrait de réunir, dans l'un des dépôts établis, ceux pour lesquels l'association voudrait former une école ad hoc, soit civile, soit militaire

3° s'il permettrait enfin à un certain nombre de sujets d'entrer, comme élèves ou apprentis, dans les ateliers d'arts et de métiers où ils pourraient s'entretenir du subside accordé par le gouvernement, et se procurer les moyens de subvenir plus tard eux-mêmes à leur entretien, après avoir acquis les connaissances et l'habilité nécessaires.

L'Association ne manquera pas de présenter à la bienveillance du gouvernement ses vues relatives aux deux autres opérations, après avoir complété ses renseignements.

Dans cet écrit, elle se bornera à prévenir qu'elle évalue la dépense annuelle pour la première opération, c'est à dire, pour 30 individus les plus capables, placés comme ci-dessus, en comptant pour chacun d'eux F 40 par mois à ajouter aux F 45 qu'ils touchent comme subside, à la somme de F 14.400
 
Pour la seconde opération, savoir : pour achat de livres, d'instruments, loyer de local, indemnités pour les maîtres des écoles ad hoc à peu près à raison de F 5 par mois, ou F 60 par an, ce qui fait
 
pour 100 individus de la première catégorie F 6.000
Pour 200 individus de la 2ème catégorie F 12.000
Pour 60 individus de la 3ème catégorie F 3.600

F 21.600
 
Pour la troisième opération, c'est à dire pour 10 individus à raison de F 40 par mois ou F480 par an F 4.800
 
Pour la quatrième opération, savoir : pour 30 enfants à raison de F 700 de pension F 21.000
Pour 3 maîtres polonais à F 2.000 par anF 6.000
Pour troupeauxF 6.000

F 33.000
 
Faisant annuellement pour 400 réfugiés et 30 enfants F 73.800
Et pour la première année, en comptant les frais de routeune fois payés à part, qui s'élèveraient à F 6.200
La somme de F 80.000

L'Association termine cet exposé en priant le Ministre de l'Intérieur de vouloir bien permettre que des listes complètes de tous les réfugiés polonais, disséminés dans les divers dépôts, puissent lui être communiquées.