29 septembre 1861

Pardonnez-moi cher Alexandre si je commence ma lettre par vous faire des reproches de votre long silence, je conçois que dans la haute position où vous êtes placé vos nombreuses occupations vous laissent peu de temps libre, mais votre vieille tante qui vous a porté dans ses bras, qui vous aime toujours comme son propre enfant, mériterait qu'au moins de temps en temps vous lui adressiez quelques mots, sachant bien mon cher Alexandre le plaisir que me cause la moindre marque de votre souvenir,

Après vous avoir exprimé ce que j'ai eu tant à cœur, je vous annonce que la chapelle à Kiernozia qui a été rebâtie de fond en comble est finie, pour la consacrer nous attendrons là-dessus votre décision, peut être selon que vous en aviez le projet viendrez-vous pour ce temps-là.

A présent voici une grâce que j'ai à vous demander, pour un jeune homme très dévoué à ma famille mon protégé est Alfred Niedermeyer, le fils du fondateur du conservatoire du chant sacré, qui vient de mourir il y a peu de temps laissant ses enfants dont Alfred est l'aîné dans des mauvaises affaires car il mit toute sa fortune dans la fondation mentionnée, par conséquent n'ayant qu'elle pour toute fortune il voudrait pouvoir continuer cette entreprise, avec l'aide d'un musicien distingué qui sera bientôt son beau-frère mais pour que cela arrive votre grâce est indispensable, car sans la subvention pour laquelle il viendra vous solliciter, subvention qui fut donnée à son père, autrefois par Monsieur de Persigny, et retiré après par Monsieur Fould ils ne pourront continuer. Confiante dans votre bonté, cher Alexandre, j'ose espérer que vous ne refuserez pas votre protection à ce jeune homme qui s'est adressé à moi dans la persuasion que la voix de votre tante trouve toujours accès auprès de vous.

Votre toute dévouée et attachée tante.

Veuillez nous rappeler tous au souvenir de la bonne et chère Comtesse.

Note : quelques mots en polonais terminent cette missive

17 juillet 1862

Je suppose mon cher Alexandre que la triste nouvelle de la mort de mon mari vous est déjà parvenue, ce malheur m'a tellement absorbée, que je ne vous ai pas annoncé que la chapelle à Kiernozia, qui contient le tombeau de votre mère est achevée ; elle a été rebâtie de fond en comble, je joins ici son dessin, et l'énumération de ses frais, sans prétendre toutefois au remboursement de la petite somme qui dépasse celle que vous y avez destinée d'abord, parce qu'il s'agit du tombeau d'une sœur que j'ai vivement aimée, et puis, que pour la même raison, feu mon mari n'avait nullement l'intention de la réclamer mais je vous expose qu'il est de rigueur de destiner une somme, dont les intérêts seraient employés à l'entretien de cette chapelle, et vous devriez selon l'idée de feu mon mari, faire passer le surplus, de celle que vous avez destinée à sa « rebatisse », au propriétaire de Kiernozia, pour qu'il y soit hypothéqué à perpétuité, avec la destination de servir, par les intérêts qui en reviendraient au but mentionné ci-dessus ; tout fondateur est obligé à chose pareille. Il faut encore pour cette chapelle, faire mettre une pierre au-dessus de la porte ou dans l'intérieur de la chapelle avec inscription, qui l'a fondée et en mémoire de qui, s'entend que vous enverrez aussi cette inscription.

De plus il faut encore six chandeliers et un crucifix, car vu qu'elle possède un autel, le Saint Office y sera célébré. J'ai toujours attendu votre arrivée cher Alexandre, pour la consécration de cette chapelle, et voilà pourquoi cette cérémonie n'a pas eu lieu jusqu'ici, j'attends là-dessus votre résolution très cher Alexandre, comme aussi sur tout ce qui concerne les détails que je viens de vous donner.

A présent je viens encore vous importuner avec une nouvelle demande, mais comme il s‘agit d'un ami de notre famille nommé Louis Ga……wski, je n'ai pu lui refuser et le recommande à votre bonté cher Alexandre et vous prie de lui faire obtenir la croix de la Légion d'honneur, la notice ci jointe vous le fera connaître, et s'il obtient cette faveur il vous sera bien reconnaissant ainsi que moi cher Alexandre et cela ne sera pas la première fois que vous obligerez votre vieille tante qui vous aime toujours comme son enfant et vous est dévouée de tout âme.

Veuillez me rappeler au souvenir de la chère Comtesse, et lui rappeler aussi qu'elle m'a promis son portrait et celui de vos enfants que j'embrasse de tout mon cœur.