26 février 1863

Etant persuadée que vous prenez toujours intérêt à tout ce qui me regarde, je viens vous faire part mon très cher neveu, du malheur qui m'accable, mon fils Etienne, pour avoir reçu des insurgés chez lui, et leur avoir donné nourriture, sans faire part de leur apparition au gouvernement a été arrêté, et conduit à la citadelle de Modlin, où il est enfermé depuis quatre semaines, souffrant et endurant toutes les privations possibles ; de plus il est condamné à douze années aux travaux forcés. Grâce à Monsieur Enoch Conseiller d'Etat et Secrétaire de son Altesse Impériale le Grand-Duc Constantin, nous avons l'espoir qu'il sera libéré ; mais pour lui témoigner notre gratitude, nous n'avons d'autres moyens, que celui cher Alexandre d'avoir recours à votre bonté, et vous prier d'écrire à Monsieur le Conseiller Enoch, et le remercier de ce qu'il s'est intéressé à l'affaire de votre cousin, ce mot écrit de votre propre main qu'il est votre cousin fera le meilleur effet dans cette cause, et accélérera j'en suis sûre sa liberté. Tout haut placé que vous êtes soyez sûr cher Alexandre que vous n'aurez jamais à rougir de vos cousins, car leur conduite toujours, ainsi que dans les malheureuses circonstances d'aujourd'hui est celle des hommes d'honneur, aussi ils ont su se concilier l'amitié et l'estime de toutes parts.

Je vous prie encore une fois très cher Alexandre en mon nom et celui de mes enfants de m'envoyer le plutôt possible la lettre demandée pour Monsieur Enoch à mon adresse.

Pleine d'espoir que vous ne refuserez pas ce que je vous demande, il ne me reste très cher Alexandre qu'à vous embrasser de tout cœur.

Et vous très chère et bonne comtesse intercédez pour la vieille tante, auprès du comte, que j'obtienne le plutôt possible la lettre demandée, vous êtes mère vous concevez quelles sont mes angoisses. Recevez en cette occasion chère comtesse mes embrassements et bénédictions.

Je vous demande excuse que quelques petites taches se trouve sur la lettre car ce sont des taches de mes larmes.