Monsieur,


je suis bien coupable de ne vous avoir pas remercié de votre aimable et bon souvenir qui vous a fait m’envoyer un magnifique ananas et des bonbons exquis de Châteauroux ; c’est la venue chez moi de votre affreux neveu Arthur qui m’a rappelé votre gracieuseté et mon inqualifiable oubli. Je ne vois qu’un moyen de réparer ma faute, c’est de faire une bonne action à laquelle je vous prierai de m’aider en voulant bien me donner les renseignements nécessaires pour réussir dans le but que je me propose.

Il doit y avoir à Châteauroux des malheureux, je les désire en petit nombre afin qu’ils profitent mieux d’une représentation que j’ai le projet et le bien vif désir de voir se réaliser ; ce qu’il me serait agréable de savoir, Monsieur, c’est la possibilité de pouvoir donner cette soirée à Châteauroux même, s’il y a un espèce de théâtre ou au moins une salle de concert propice à cette bonne œuvre ; je crois qu’une affiche annonçant une représentation donnée au bénéfice des pauvres de Châteauroux serait accueillie favorablement par les châteaux ( ?) environnants et par la bourgeoisie de votre ville.

J’espère, Monsieur, que vous croirez au bonheur vrai que j’éprouve toujours quand il se présente à moi l’occasion de faire du bien et que vous voudrez me répondre le plus tôt qu’il vous sera possible si chance il y a de pouvoir sortir pour quelques jours au moins des familles de la misère.

Veuillez agréer, Monsieur, l’assurance de mes sentiments les plus respectueux et les plus dévoués.

Rachel

Paris, 8 avril 1848