Nîmes, ce 10 juin 1850

A Mademoiselle Rachel

Madame,

Le poète n'est pas moins fidèle à la reconnaissance qu'à l'admiration : si au théâtre votre incomparable talent a laissé des traces ineffaçables dans les esprits, à la ville vous fûtes toujours à son égard pleine de bienveillance et de grâce, et son cœur en garde avec orgueil et joie le souvenir.

Je vous envoie Vivia ; c'est l'acquit d'une dette, daignez l'agréer comme un faible hommage rendu à tout ce que vous inspirez.

L'actrice qui a joué mon oeuvre dans le désert de l'Odéon a eu de magnifiques inspirations. Je n'ai qu'à me féliciter de ses efforts et de son triomphe ; mais sur la première scène française vous auriez fait resplendir Vivia d'une plus grande lumière et dégagée de tout ce qu'on lui a opposé d'entraves et de mauvais vouloir, vous lui auriez donné une puissante vie.

Puissiez-vous un jour, Madame, après avoir touché les genres divers et nouveaux et avoir communiqué à tous un souffle qui leur donne une nouvelle existence, puissiez-vous, ramenée aux choses simples, laisser tomber un de vos regards sur le personnage de Vivia et lever jusqu'à vous l'humble fille du poète.

J. Reboul