A Lydie
Après la répétition d'hier soir
18 juin 1850

Vous avez dit, et devant moi, Lydie,
Qu'il vous manquait ce soir vos ornements,
Pour répéter semblable comédie
Aviez-vous donc besoin de diamants ?

Pourquoi chercher les bandelettes vaines
Dont la Glycère ou Chloë se paraient ?
J'aime bien mieux respirer les verveines
Qui sur ce front d'albâtre se mouraient ;

Au lieu d'onyx, de saphirs, d'émeraudes
J'aimerais mieux, jeune amante d'Hylas,
Baiser ce soir les roses encore chaudes
Tombant en pluie à ce corset lilas ;

Quand Meroë vous présentait la glace,
Aviez-vous donc besoin de Janisset ?
Lorsque par vous Ponsard devient Horace
Est ce un écrin qui sous mes yeux passait ?

Je ne sais trop ! J'ai vu des pierreries
Des vers charmants qu'eut aimés Tyndaris,
J'ai reconnu les guirlandes fleuries
De ton autel, odorante Cypris,

Le vin léger que verse Mitylène
Pourprait encore votre lèvre, ce soir,
Belle à vous faire un char du vieux Sylène
Près de Vénus vous pourriez vous asseoir,

Vous étiez tout ! ou Lydie ou Clarisse
Ou Cléopatre ou la jeune Manon,
Vivez, régnez ! Votre royal caprice
Est aux beaux vers d'imprimer votre nom,

Servez toujours la noble Poésie,
Quand on la chasse, ah ! vers elle accourez,
Par vous du moins nous verrons l'ambroisie
Couler encore dans les flacons dorés,

A vous l'encens, le nectar et les fêtes !
Lydie obtint des succès ; entre nous
Vous valez mieux, elle avait des poètes
Et vous avez un peuple à vos genoux !

Roger de Beauvoir

18 juin 1850