Madame,

Monsieur Lockroy veut bien m'annoncer que la Comédie Française accorde sa glorieuse hospitalité à “la fille d'Eschyle”.

Aucun honneur plus grand ne pouvait être réservé à ce modeste essai. Faut-il vous l'avouer, cependant ? Mon ambition forme un suprême vœu, un vœu si téméraire, sans doute, que j'ose à peine vous l'exprimer.

Le rôle de la fille du poète vous paraîtra, malgré tous les soins que je lui ai donnés, bien peu digne de prendre place parmi ceux dont vous avez fait la vie et la gloire.

Permettez toutefois que je le dépose à vos pieds, comme un trop faible hommage d'une admiration qui n'a pas attendu jusqu'ici pour s'exprimer.

Pendant le cours de vos magnifiques succès à Marseille, un obscur écrivain vous applaudissait deux fois chaque soir avec enthousiasme : la première fois dans la salle, la seconde dans le feuilleton d'un journal marseillais.

Vous avez oublié, Madame, ce détail d'une vie triomphante, moi, j'ai dû m'en souvenir ; mais veuillez croire que si je vous le rappelle ici ce n'est pas comme un titre à une haute faveur.

Vous auriez par trop à faire si chacun de ceux qui ont manifesté leur admiration exaltée pour votre génie pensait avoir le droit de vous offrir un rôle.

Je suis avec respect, Madame,
Votre très humble et très obéissant serviteur

Autran

Marseille, au Musée