Chère et illustre

J’ai à vous entretenir de chose bien délicate et bien grave pour moi ; il ne s’agit rien moins – pour vous dire tout de suite les gros mots – que de me faire recevoir sociétaire dans l’imposant Théâtre Français !

Les démarches déjà faites pour me préparer ce grand résultat, la sollicitude mise en action de plusieurs personnages considérables, que vous dirai-je enfin ? l’intervention directe de l’Impératrice, qui n’agit jamais qu’autorisée par l’Empereur, tout cela me paraît presque insuffisant, si je n’obtiens pas l’adhésion, la sympathie, le concours de la Tragédienne française !

Sans phrases, sans mots inutiles, j’ai besoin d’être adopté par vous, Illustre Rachel. La question d’art et l’utilité dont je sais être, je ne les débattrai pas avec vous. Plus d’une fois, votre encourageante amitié m’a souhaité le théâtre français pour asile ; jugez quel serait mon bonheur et mon exaltation de me voir près de vous dans ce grand répertoire dont vous portez seule tout le fardeau !...

Pour cette grosse affaire, une lettre d’avis ne suffit pas, une entrevue est nécessaire : il y a un homme influent dans la question, Camille Doucet, qui pourrait orienter votre esprit dans la voie que déjà sa bienveillance m’a montrée.

J’attends donc, Bonne et Illustre, que vous me donniez – comme sœur – permettez-moi ce mot, un instant d’entrevue.

Accueillez l’expression de mon entier dévouement.

.. La Ferrière

96 Boulevard Beaumarchais