Ma Chère Mère,

Je suis arrivée à Bruxelles à six heures du matin hier et j'ai joué le soir Phèdre et le Moineau avec des vrais moyens tragiques ; mon succès a été complet et la recette très satisfaisante : quatre mille francs. Aujourd'hui nous voilà à Gand, je crois qu'ici les affaires ne seront florissantes : il y a une très grande fête, des bals de nuit et le temps est malheureusement beau. Raphaël nous a quittés pour préparer la Hollande. Nous ne le reverrons que dans huit ou dix jours. J'ai été bien heureuse des quelques heures que j'ai passées à Paris vendredi. Elles m'ont donné une véritable ardeur pour ce prolongement de congé, je me porte bien, tout est donc pour le mieux ; dis à Sarah à Rébecca combien j'ai été touchée la joie que paraissait leur faire mon passage dans la capitale. Cela fait du bien de se sentir si fortement aimée.

Ecris-moi à Bruxelles, donne-moi des nouvelles de papa et quand tu verras de nouveau Alexandre dis-lui qu'il a fait sa petite mère la plus heureuse des mères en lui faisant un si doux accueil et combien je suis fière de ses progrès et de tout ce que ses professeurs pensent de lui.

Au revoir chère mère, je t'embrasse bien tendrement ainsi que ma Dinette, mes chères autres sœurs et mes deux amours d'enfants.

Rachel

Gand, le 3 juillet 1853