Ma chère Mère,

Nous sommes tous arrivés à Liverpool en parfaite santé, je sens que je vais remonter sur ma bête ; je mérite un peu de repos de ce côté-là, j'ai assez souffert pendant presque tout mon séjour à Londres.

Nous nous embarquons demain matin à 8 heures. Le temps paraît se mettre tout à fait au beau et j'ai bon espoir que nous ferons une courte et belle traversée.

Ne va donc pas t'affliger de notre campagne, j'espère quelle sera plus courte et plus glorieuse que celle faite en ce moment en Crimée.

J'ai écrit un mot au Docteur Denis ainsi que tu l'as souhaité.

Embrasse pour moi mes chers enfants et ne les gâte pas trop pendant ma trop longue absence, je veux en faire des hommes et non pas des messieurs ; ils sont heureusement dans une maison toute paternelle. Laisse bien faire à Monsieur Lugny ce que lui inspire l'intérêt de mes enfants, j'ai la plus grande confiance en lui, dis le lui bien.

J'ai donné mes derniers ordres à Auguste et à Catherine, ils seront tes esclaves.

Dis mes amitiés à Madame Jeannette et à Judith.

Papa, ton fils ... Lia Dinah et moi, nous t'envoyons mille baisers bien tendres.

Ta fille qui t'aime bien, mais bien là ...

Rachel

Liverpool, 10 août 1855