Ems, ce 26 juillet 1856

 

Ma chère mère,

Voilà bientôt quinze jours que je suis à Ems et je n'ai pas encore reçu un mot de toi. Je n'ose pas t'accuser car toi tu n'as pas les moyens d'avoir un secrétaire mais n'as-tu pas nos amis [...] qui j'en suis sûre ne se refuseraient pas à te prêter leur assistance. Enfin, j'espère que ta santé est bonne ainsi que celle de papa.

Le grand succès de séjour continue-t-il ? Comment va la petite Jeanne ? Ma santé ne va pas plus mal mais elle ne va guère mieux, je tousse et je ne puis dormir sans les pilules ; cependant je ne suis pas trop triste, je mange, je bois assez de quoi me soutenir. Je sors très peu de ma chambre. Mon divertissement quand il fait beau c'est de me mettre à la fenêtre de cinq à six heures. Je vois la promenade qui passe et repasse, les belles promeneuses me regardent beaucoup. J'ai trouvé ici des connaissances russes. Déjà elles m'ont incité à aller prendre le thé, mais je n'y ai pas le cœur et mon médecin m'en félicite. Il est impossible de se soigner plus sérieusement que je ne le fais. Il y a du sublime courage de ma part à vivre ainsi l'inertie et pour m'encourager on me dit que je dois aller passer mon hiver à Madère et l'été prochain revenir prendre les eaux d'Ems. Voilà une vie ! Quel revers de médaille ! Il est heureux pour vous et pour moi que j'ai deux enfants.

A revoir chère mère je t'embrasse
Rachel